Nouveau tirage d’Etats du moi, transactions et communication

– Mon éditrice vient de m’annoncer un nouveau tirage de mon premier ouvrage : »Etats du moi, transactions et communication.Savoir enfin que dire après avoir dit bonjour ». J’en suis très heureuse.
– Vous trouverez sur mon blog et sur le site de apprendreaapprendre.com. plusieurs extraits de mon interview par un journaliste du site, Jean-François Michel. Ils portent sur la difficulté de savoir ce que l’on veut vraiment, l’orientation des jeunes, la communication qui n’est pas toujours conforme à ce que l’on croire et la crainte de la solitude.
– Enfin le numéro 33 de la revue trimestrielle Fémitude contient un article de Stéphanie Bujon sur la vie après la retraite suite à l’entretien que nous avons eu sur ce sujet après la parution de  » Amis, Travail, Famille, Amélioez vos relations et vivez mieux! ». Dans ce même numéro deux autres entretiens, l’un avec Christophe Marx et l’autre avec Laurie Hawkes, tous deux analystes transactionnels comme moi.

Les ouvrages de développement personnel, entre vulgarisation des connaissances en psychologie et recettes

M’interrogeant sur l’engouement actuel pour les livres de développement personnel, je vous propose un questionnement pour mieux se repérer dans la diversité de ces ouvrages, entre apport de connaissances ou recueil de conseils. Mon analyse vise aussi à clarifier les réelles ressources qu’ils peuvent représenter pour le lecteur en quête de mieux-être, sans pour autant oublier leurs limites.

Les ouvrages de développement personnel se sont multipliés ces dernières années, ce qui s’explique par l’intérêt grandissant du public pour la psychologie, ses théories et ses méthodes. Je les situe sur un curseur allant des ouvrages qui apportent des connaissances théoriques et pratiques sur le fonctionnement de l’être humain aux livres de recettes de bien-être ou de mieux être. A l’extrême gauche du curseur, ils s’adressent aux formateurs et aux spécialistes des relations humaines et, à l’extrême droite, du côté des recettes, au grand public. A gauche, les tirages des éditeurs sont restreints, à droite ils sont beaucoup plus conséquents.

Ils appartiennent dans l’édition à la catégorie des guides pratiques où l’on peut trouver du conseil et des informations : livres de cuisine, de diététique ou guides touristiques, écrits par des spécialistes et répondant au besoin d’informations. Ils doivent être précis et faciles à consulter.

Concernant les guides de développement personnel, j’ai un certain nombre de questions :
– De quoi parlent-ils ?
– Par qui sont-ils écrits ?
– A qui s’adressent-ils ?
– Quelle est la part des connaissances ? Quelle est celle des conseils ?
– A quels besoins répondent-ils ?
– Quelle est leur philosophie ?
– Quel style privilégient-ils ?

Ils peuvent parler de prévention ou de soin. Ils concernent l’hygiène physique ou mentale. Les ouvrages concernant la gestion du stress concernent les deux domaines. Ils proposent souvent un enseignement visant une meilleure adaptation sociale : « Comment réussir sa vie amoureuse, élever son enfant, se faire des amis, se débarrasser de ses soucis.. » A la clé, une promesse de réussite. L’aspect pratique est toujours présent. Ils proposent le plus souvent des questionnaires et des exercices.

Ils sont écrits par des praticiens : psychologues, psychiatres, psychothérapeutes ou coaches qui présentent de manière plus ou moins succincte la théorie sur laquelle ils s’appuient dans leur approche thérapeutique et donnent des conseils en rapport avec les situations rencontrées par leurs clients. Ces conseils paraissent parfois relever du simple bon sens. En tous cas, ils invitent les lecteurs à l’introspection et à la réflexion.
La question qu’on peut poser à ce niveau de la présentation est la suivante : peut-on généraliser une pratique et donner des conseils sans contact direct avec une personne ? Quelle doit être la part du conseil et celle de l’analyse dans ce type d’ouvrage ?

Ils s’adressent à des personnes qui ne trouvent dans leur entourage ni oreille attentive, ni bon conseil ni réponse à leurs questions, ce qui fait beaucoup de monde !
Selon le type d’attente, le choix du lecteur se portera sur des ouvrages différents. Dans ces livres, en effet, la part des connaissances et celle des conseils varie, entre les grilles de lecture du monde et des relations (les connaissances) et les propositions d’hygiène mentale ou de stratégie relationnelle (les conseils).

Dans sa thèse de sociologie sur la pratique de lecture du développement personnel , Nicolas Marquis, chercheur à l’université de Saint-Louis à Bruxelles, explique le succès de ces ouvrages par l’évolution de la société vers un plus grand individualisme et par la valorisation de l’idée d’autonomie, si bien que le langage de ces ouvrages se trouve en phase avec la société d’aujourd’hui. Il s’interroge cependant : comment ces ouvrages peuvent-ils avoir la prétention d’apporter aux lecteurs des solutions à leurs problèmes personnels, comment peuvent-ils susciter à ce point l’enthousiasme ? Il évoque les « discours enjoués » des lecteurs qui en parlent.
Ceci renvoie à un questionnement sous-jacent : Comment se fait le travail de développement personnel ? Qu’est–ce qui agit dans le changement ? Que les conseils puissent apporter des solutions ponctuelles à des personnes démunies, c’est, à mon avis, évident. Mais la remise en question des automatismes scénariques peut-elle se faire en dehors d’une relation thérapeutique ? Comment agit la thérapie ? Quelle est la part de la connaissance (la présentation des mécanismes psychologiques entraînant chez la personne des prises de conscience de son fonctionnement) et celle de la relation (on expérimente dans la relation thérapeutique d’autres manières de fonctionner avec ses proches) ? Pour les analystes transactionnels, il est clair qu’il faut les deux et que la lecture d’ouvrages peut aider à réfléchir sur soi et à progresser, mais qu’elle ne suffit pas pour changer.

Voyons à quels besoins répondent ces ouvrages :

Le premier besoin à mon avis est un besoin de soutien et de réconfort : en le lisant, je vois que je suis comme les autres. Je me reconnais dans les situations évoquées par l’auteur.

Le second besoin est de donner du sens à ce qu’on vit. Il s’agit de mettre des mots sur sa situation, son ressenti et de le comprendre.

Le troisième serait un besoin d’espérance : d’autres s’en sont sortis. Pourquoi pas moi !

Il y a aussi le besoin de conseils pour agir et sortir de l’impuissance, celui de réussir et de voir les résultats concrets de ses actions, le besoin d’informations sur les approches thérapeutiques, le type d’investissement et de remise en cause qu’elles impliquent.

Reste le besoin d’une méthode si l’on veut parcourir seul son chemin. Le livre des Goulding par exemple va jusqu’à proposer un auto-diagnostic et une auto-thérapie.

Je suppose qu’il existe aussi un besoin de rêver et peut-être de s’illusionner, de trouver le mot magique : « Sésame, ouvre-toi » ou « Abracadabra » qui permettra d’obtenir sans effort la réalisation d’un vœu.

Enfin, en picorant dans les livres de développement personnel, le lecteur peut trouver l’équivalent de ce qu’il trouve dans un roman : des histoires de gens qui se sont bien sortis de leurs épreuves, des explications lumineuses, des façons de vivre totalement différentes, des récits de vie. Ils sont comme les enfants écoutant le récit de Blanche Neige ou du Petit Poucet : le miroir magique, les bottes de sept lieues, les animaux qui parlent. Si les ouvrages sont bien écrits, les histoires fonctionnent à la manière des récits romanesques. La vie des autres est souvent très intéressante. L’identification aux personnages permet des recadrages puissants. On se dit : « Ce que le personnage a fait, je peux le faire ! »
D’une manière générale, ces livres sont matière à réflexion sur soi à partir des cas présentés ; ils favorisent l’introspection et élargissent le cadre de référence du lecteur.

Leur secret ? Une philosophie optimiste et une logique de la responsabilité personnelle qui sont caractéristiques de la culture américaine : chacun est responsable de sa vie et de ses choix ; l’autonomie est un but souhaitable. La promesse du bien-être et celle de l’épanouissement personnel peuvent être tenues. L’efficacité psycho-sociale est accessible aux bonnes volontés. C’est bien aussi la philosophie de l’analyse transactionnelle. Elle ajoute le partage des connaissances et l’importance de la conscience dans l’Adulte.

Ce genre d’ouvrage demande une écriture particulière : pas de langage savant qui créerait une distance, mais un style proche et fluide, facilitant la compréhension et l’intimité. Pas de termes techniques, pas de références théoriques, car le lecteur ne veut pas se sentir à nouveau comme à l’école.
Ces exigences des lecteurs amènent les éditeurs à privilégier un type de vulgarisation où des réalités complexes doivent absolument être traduites en termes accessibles, ce qui est réalisable. Elles orientent les auteurs vers les problèmes de société sensibles qui sont abordés au travers des différentes approches psychologiques connues, sans qu’elles soient forcément explicitées. Le succès de ces ouvrages est le fruit de cette évolution.

Paris, le 14 mars 2014. Première publication sur le site de l’IFAT