Chère Agnès,
Ce n’est que récemment que j’ai lu ton article sur « les contes de fées et les plans de vie psychologiques » (Le Guernic, 2004). Cela m’a tellement enthousiasmée que je t’écris à ce sujet, bien que ce soit un peu en retard.
Tu as été assez aimable pour me citer parmi tes références. Bien sûr tu ne fais référence qu’à mes écrits en français, alors que certains autres qui n’ont pas été traduits, sont encore plus pertinents pour soutenir ton propos, qui est que « les contes de fées et les histoires nourrissent l’imagination des enfants et leur donne des bases pour construire leur plan de vie ».
Ton point de vue est celui de la prévention, et correspond à celui d’un éducateur qui a un accès direct aux enfants, qui tous sont en train de créer leurs plans de vie. Tu démontres que les contes de fées et autres histoires ont une fonction importante et donnent des éléments de motivations, qui peuvent alimenter le développement positif d’un enfant.
J’en suis venue à penser que c’est une erreur de penser que les scénarios sont forcément négatifs. En fait, les scénarios sont pluridimensionnels, correspondants peut-être aux 31 fonctions que tu décris. Ils offrent une structure essentielle à l’enfant qui grandit, même lorsque des conditionnements négatifs peuvent conduire à un comportement déviant ou à des attentes inappropriées, qui font partie de leur personnalité (je fais référence à celle-ci, comme les conclusions de survie archaïques, qui doivent être réévaluées à la lumière de la réalité d’aujourd’hui, ce qui est tout à fait différent de ce qu’on pourrait appeler le scénario du client. F. English, page 332, 1977).
L’article sur le cas Stella auquel tu as fait référence et que j’ai publié en 1973 dans Psychology Today donnait une connotation négative aux scénarios. Il est regrettable qu’il n’ait été traduit en français qu’en 1992, comme tu l’indiques. A ce moment là, j’avais déjà considérablement changé mon opinion sur les scénarios suite à des expériences cliniques supplémentaires, et ce plus précisément après avoir entendu que plusieurs histoires, et même des contes de fées, avaient influencé mes clients à différentes étapes de leurs vies. Ma nouvelle interprétation des scénarios était décrite en détails dans le chapitre intitulé « Que dois-je faire demain ? » inclus dans le livre de Graham Barnes « L’Analyse transactionnelle après Eric Berne » (F. English, 1977, pages 338 à 345). C’est là que je décris aussi un exercice qui est la base de mes ateliers sur les scénarios, au cours duquel nous discutons des diverses histoires qui ont eu une influence sur un client donné à des étapes différentes de sa vie. Depuis lors j’ai travaillé avec plus de 2000 personnes participant à mes ateliers et entendu beaucoup d’histoires qui les ont influencées.
En conséquence, sur la base de ces expériences cliniques, je ne peux qu’être absolument d’accord avec ce que tu écris sur « Les contes de fées et la Psychologie ».
C’est aussi la raison pour laquelle, chaque fois que j’en ai l’occasion, j’insiste sur le fait que les scénarios ne doivent pas être considérés comme vaguement synonymes de schémas pathologiques. Ils font partie intégrante de notre personnalité. Ils satisfont notre « soif de structure » et aident au développement de l’enfance à la vieillesse. Bien évidemment au cours d’une vie il y a des hauts et des bas, comme dans les contes de fées comme tu le démontres si clairement. La question est : à chaque instant de notre vie, comment gérons-nous les problèmes que nous rencontrons ? Les histoires qui influencent nos scénarios donnaient souvent des modèles de courage, de persévérance et d’entraide, ainsi que d’espérance dans l’avenir.
J’ai détaillé mes idées sur les scénarios dans mon article « Whither scripts ? » (F. English, 1988). Il serait beaucoup plus commode d’accepter la suggestion de Cornell comme tu l’expliques, d’utiliser le terme « plans de vie psychologiques » pour les aspects sains de notre personnalité, et de garder le terme « scénarios de vie » pour les aspects pathologiques de la vie d’une personne (Cornell, 1988). Sauf que Berne lui-même indique que les scénarios peuvent être positifs et conduire au bonheur (Berne, 1969), si bien que je n’aime pas que l’on associe les scénarios avec la pathologie.
Comme tu l’indiques, « les histoires des contes de fées et mythes contiennent les deux aspects » (des messages et expériences positifs et négatifs), comme dans la réalité pour les enfants et les adultes. C’est la même chose dans le présent, quand on regarde comment le héros ou l’héroïne surmonte les obstacles au cours de son évolution pour atteindre la position OK. En fait, j’ai inventé le concept d’une 5ème position, « Je suis OK, tu es OK – Adulte » (F. English, 1975), parce que de toute évidence l’enfant à sa naissance est par nature dans une position OK et qu’il devra au cours de son développement lutter contre les positions hautes et basses pour déterminer sa personnalité. Par conséquent, j’aime la manière dont tu relies le scénario avec la position de vie de chacun et aussi dont tu différencies la position de vie et les différents rôles que chacun de nous va prendre.
Il y a beaucoup d’autres choses dont j’aimerais m’entretenir avec toi dans cet article. A ce stade, je voudrais juste dire que j’ai été ravie de lire ta théorie sur le rôle des contes de fées dans le développement des enfants, et je ne peux que soutenir avec force tes conclusions.
Bien à toi,
Fanita English (avril 2007)
Références.
Berne, E. (l961) Transactional analysis in psychotherapy. New York: Grove Press
Berne, E. (l969) Personal communication, in conjunction with discussion on episcripts, which are pathological, by contrast to scripts
Cornell, W.F. (l988) Life script theory: A critical review from a developmental perspective. Transactional Analysis Journal l8, 270-282
English, F. ( l973/74) Transactional Analysis and Script Analysis Today., in Psychology Today Magazine, N.Y. April l973 – also in Readings in Psychology Today – CRM Publications, N.Y. l974
English, F. (l977) What shall I do tomorrow? Reconceptualizing transactional analysis. In G. Barnes (Ed), Transactional Analysis after Eric Berne. New York: Harper’s College Press.
English, F. (l988) Whither Scripts? Transactional Analysis Journal 4, 294-303
Le Guernic, A. (2004) Fairy Tales and Psychological Life Plans. Transactional Analysis Journal 34, 216-222.
Les informations ici présentes sont relativement intéressantes. J’ai beaucoup aimé, cet article est vraiment bien ficelé et agréable à lire. Pas mal du tout.
Elsa Bastien / streetpress.com