Les ouvrages de développement personnel, entre vulgarisation des connaissances en psychologie et recettes

M’interrogeant sur l’engouement actuel pour les livres de développement personnel, je vous propose un questionnement pour mieux se repérer dans la diversité de ces ouvrages, entre apport de connaissances ou recueil de conseils. Mon analyse vise aussi à clarifier les réelles ressources qu’ils peuvent représenter pour le lecteur en quête de mieux-être, sans pour autant oublier leurs limites.

Les ouvrages de développement personnel se sont multipliés ces dernières années, ce qui s’explique par l’intérêt grandissant du public pour la psychologie, ses théories et ses méthodes. Je les situe sur un curseur allant des ouvrages qui apportent des connaissances théoriques et pratiques sur le fonctionnement de l’être humain aux livres de recettes de bien-être ou de mieux être. A l’extrême gauche du curseur, ils s’adressent aux formateurs et aux spécialistes des relations humaines et, à l’extrême droite, du côté des recettes, au grand public. A gauche, les tirages des éditeurs sont restreints, à droite ils sont beaucoup plus conséquents.

Ils appartiennent dans l’édition à la catégorie des guides pratiques où l’on peut trouver du conseil et des informations : livres de cuisine, de diététique ou guides touristiques, écrits par des spécialistes et répondant au besoin d’informations. Ils doivent être précis et faciles à consulter.

Concernant les guides de développement personnel, j’ai un certain nombre de questions :
– De quoi parlent-ils ?
– Par qui sont-ils écrits ?
– A qui s’adressent-ils ?
– Quelle est la part des connaissances ? Quelle est celle des conseils ?
– A quels besoins répondent-ils ?
– Quelle est leur philosophie ?
– Quel style privilégient-ils ?

Ils peuvent parler de prévention ou de soin. Ils concernent l’hygiène physique ou mentale. Les ouvrages concernant la gestion du stress concernent les deux domaines. Ils proposent souvent un enseignement visant une meilleure adaptation sociale : « Comment réussir sa vie amoureuse, élever son enfant, se faire des amis, se débarrasser de ses soucis.. » A la clé, une promesse de réussite. L’aspect pratique est toujours présent. Ils proposent le plus souvent des questionnaires et des exercices.

Ils sont écrits par des praticiens : psychologues, psychiatres, psychothérapeutes ou coaches qui présentent de manière plus ou moins succincte la théorie sur laquelle ils s’appuient dans leur approche thérapeutique et donnent des conseils en rapport avec les situations rencontrées par leurs clients. Ces conseils paraissent parfois relever du simple bon sens. En tous cas, ils invitent les lecteurs à l’introspection et à la réflexion.
La question qu’on peut poser à ce niveau de la présentation est la suivante : peut-on généraliser une pratique et donner des conseils sans contact direct avec une personne ? Quelle doit être la part du conseil et celle de l’analyse dans ce type d’ouvrage ?

Ils s’adressent à des personnes qui ne trouvent dans leur entourage ni oreille attentive, ni bon conseil ni réponse à leurs questions, ce qui fait beaucoup de monde !
Selon le type d’attente, le choix du lecteur se portera sur des ouvrages différents. Dans ces livres, en effet, la part des connaissances et celle des conseils varie, entre les grilles de lecture du monde et des relations (les connaissances) et les propositions d’hygiène mentale ou de stratégie relationnelle (les conseils).

Dans sa thèse de sociologie sur la pratique de lecture du développement personnel , Nicolas Marquis, chercheur à l’université de Saint-Louis à Bruxelles, explique le succès de ces ouvrages par l’évolution de la société vers un plus grand individualisme et par la valorisation de l’idée d’autonomie, si bien que le langage de ces ouvrages se trouve en phase avec la société d’aujourd’hui. Il s’interroge cependant : comment ces ouvrages peuvent-ils avoir la prétention d’apporter aux lecteurs des solutions à leurs problèmes personnels, comment peuvent-ils susciter à ce point l’enthousiasme ? Il évoque les « discours enjoués » des lecteurs qui en parlent.
Ceci renvoie à un questionnement sous-jacent : Comment se fait le travail de développement personnel ? Qu’est–ce qui agit dans le changement ? Que les conseils puissent apporter des solutions ponctuelles à des personnes démunies, c’est, à mon avis, évident. Mais la remise en question des automatismes scénariques peut-elle se faire en dehors d’une relation thérapeutique ? Comment agit la thérapie ? Quelle est la part de la connaissance (la présentation des mécanismes psychologiques entraînant chez la personne des prises de conscience de son fonctionnement) et celle de la relation (on expérimente dans la relation thérapeutique d’autres manières de fonctionner avec ses proches) ? Pour les analystes transactionnels, il est clair qu’il faut les deux et que la lecture d’ouvrages peut aider à réfléchir sur soi et à progresser, mais qu’elle ne suffit pas pour changer.

Voyons à quels besoins répondent ces ouvrages :

Le premier besoin à mon avis est un besoin de soutien et de réconfort : en le lisant, je vois que je suis comme les autres. Je me reconnais dans les situations évoquées par l’auteur.

Le second besoin est de donner du sens à ce qu’on vit. Il s’agit de mettre des mots sur sa situation, son ressenti et de le comprendre.

Le troisième serait un besoin d’espérance : d’autres s’en sont sortis. Pourquoi pas moi !

Il y a aussi le besoin de conseils pour agir et sortir de l’impuissance, celui de réussir et de voir les résultats concrets de ses actions, le besoin d’informations sur les approches thérapeutiques, le type d’investissement et de remise en cause qu’elles impliquent.

Reste le besoin d’une méthode si l’on veut parcourir seul son chemin. Le livre des Goulding par exemple va jusqu’à proposer un auto-diagnostic et une auto-thérapie.

Je suppose qu’il existe aussi un besoin de rêver et peut-être de s’illusionner, de trouver le mot magique : « Sésame, ouvre-toi » ou « Abracadabra » qui permettra d’obtenir sans effort la réalisation d’un vœu.

Enfin, en picorant dans les livres de développement personnel, le lecteur peut trouver l’équivalent de ce qu’il trouve dans un roman : des histoires de gens qui se sont bien sortis de leurs épreuves, des explications lumineuses, des façons de vivre totalement différentes, des récits de vie. Ils sont comme les enfants écoutant le récit de Blanche Neige ou du Petit Poucet : le miroir magique, les bottes de sept lieues, les animaux qui parlent. Si les ouvrages sont bien écrits, les histoires fonctionnent à la manière des récits romanesques. La vie des autres est souvent très intéressante. L’identification aux personnages permet des recadrages puissants. On se dit : « Ce que le personnage a fait, je peux le faire ! »
D’une manière générale, ces livres sont matière à réflexion sur soi à partir des cas présentés ; ils favorisent l’introspection et élargissent le cadre de référence du lecteur.

Leur secret ? Une philosophie optimiste et une logique de la responsabilité personnelle qui sont caractéristiques de la culture américaine : chacun est responsable de sa vie et de ses choix ; l’autonomie est un but souhaitable. La promesse du bien-être et celle de l’épanouissement personnel peuvent être tenues. L’efficacité psycho-sociale est accessible aux bonnes volontés. C’est bien aussi la philosophie de l’analyse transactionnelle. Elle ajoute le partage des connaissances et l’importance de la conscience dans l’Adulte.

Ce genre d’ouvrage demande une écriture particulière : pas de langage savant qui créerait une distance, mais un style proche et fluide, facilitant la compréhension et l’intimité. Pas de termes techniques, pas de références théoriques, car le lecteur ne veut pas se sentir à nouveau comme à l’école.
Ces exigences des lecteurs amènent les éditeurs à privilégier un type de vulgarisation où des réalités complexes doivent absolument être traduites en termes accessibles, ce qui est réalisable. Elles orientent les auteurs vers les problèmes de société sensibles qui sont abordés au travers des différentes approches psychologiques connues, sans qu’elles soient forcément explicitées. Le succès de ces ouvrages est le fruit de cette évolution.

Paris, le 14 mars 2014. Première publication sur le site de l’IFAT

Interview – S’ouvrir au monde pour éviter la solitude

Interview pour le site « Apprendre à apprendre » sur la sortie du livre » Améliorez vos relations et vivez mieux » et les différents thèmes que j’y aborde. En voici le dernier qui traite de la manière d’éviter la solitude en se faisant des amis et en faisant ce qu’il faut pour les garder.Il aborde aussi la notion de scénario de vue en analyse transactionnelle et la manière dont il se traduit dans les comportements.


S’ouvrir au monde pour éviter la solitude par Apprendre-a-apprendre

L’argent, à l’intersection de la réalité économique et du scénario personnel.

Dans le milieu de l’Analyse Transactionnelle, on trouve beaucoup de personnes en changement professionnel, parfois suite à une rupture familiale ou à un licenciement, parfois suite à un choix personnel. Changer de profession, c’est faire un saut dans l’inconnu, d’où l’importance pour elles de réfléchir aux conditions économiques de l’exercice de leur nouveau métier et d’aborder les questions d’argent sans illusions et sans préjugés, ce qu’elles ont parfois du mal à faire.

Lire plus loin

Camille redouble, un film de Noémie Lvosky (Septembre 2012)

Camille, 41 ans, en pleine crise conjugale, se retrouve brusquement plongée dans son passé, l’année de ses 16 ans, à l’époque où elle a perdu sa mère et où elle est tombée amoureuse (et enceinte !) du garçon qui la quitte aujourd’hui. Lors de ce retour en arrière, elle garde son corps d’aujourd’hui et ses souvenirs. Personne n’a l’air de s’en apercevoir. Ce n’est étrange que pour le spectateur. La vitalité de Camille adolescente est extraordinaire. Nous l’accompagnons dans son voyage autour de l’anniversaire de ses 16 ans dans sa vie insouciante de collégienne. Elle a gardé ses liens avec les copines de l’époque et leurs rencontres restent joyeuses et les célébrations très arrosées. Le rythme du film est vif et les personnages attachants et gais.

 Ce film sur le thème du voyage dans le temps illustre tout à fait ce que peut représenter une psychothérapie : un voyage dans le passé réalisé avec la connaissance de ce que sera l’avenir.  Camille, de retour dans sa famille, sait que sa mère va mourir d’une crise cardiaque. Elle fait des tentatives désespérées pour au moins garder un souvenir matériel d’elle : un enregistrement de ses paroles. Elle essaie de lui montrer son attachement, mais ses efforts  tombent à plat. Elle essaie tout aussi vainement d’éviter le garçon dont elle va tomber amoureuse. Elle se confronte au scénario de sa vie, au détail près de ces tentatives pour conserver une trace des êtres chers.

Le scénario ou plan de vie de l’analyse transactionnelle concerne le déroulement du temps. Le petit enfant vit dans le présent, mais à partir d’un certain moment il commence à s’imaginer son avenir, à partir des récits qu’il écoute et des modèles que lui offre son entourage.

La grande personne qui fait plus tard ce voyage dans le passé doit faire l’effort de compréhension et d’acceptation de soi et des autres. La redécision finale de Camille sera d’accepter ce qui ne peut être changé et de changer ce qui peut l’être : son comportement et son attitude.  Elle passe de la rage à la paix, suite à ce long retour sur elle-même. Elle aboutit à une réconciliation avec elle-même et avec les autres. Et elle retrouve un avenir.

Lettre ouverte de Fanita English à propos de mon article sur les contes de fées

Chère Agnès,

Ce n’est que récemment que j’ai lu ton article sur « les contes de fées et les plans de vie psychologiques » (Le Guernic, 2004). Cela m’a tellement enthousiasmée que je t’écris à ce sujet, bien que ce soit un peu en retard.

Lire plus loin