Sortir des conflits : ce qu’en dit José Grégoire

Voici la préface écrite par José Grégoire pour mon livre : « Sortir des conflits ».

Que cela nous convienne ou non, nous transitons régulièrement par le pays du conflit. Certains d’entre nous en ressentent les paysages comme vivifiants, d’autres les perçoivent comme arides ou effrayants, mais de toute manière il ne nous appartient pas de décider une fois pour toutes de n’en jamais franchir la frontière ! 

Le livre d’Agnès Le Guernic ressemble à un voyage aller-retour dans ce pays. La première étape, l’aller, nous permet de nous y orienter. Nous découvrons ainsi un territoire bien plus vaste et bien plus varié que peut-être nous ne le croyions. Car il y a conflits et conflits. D’abord, ils se jouent dans des espaces d’amplitudes différentes, depuis l’intérieur de la personne jusqu’à la société. En outre, ils émanent de sources diverses. L’auteur en détaille quatre : nos différences de tous types, notre style relationnel, nos intérêts et la recherche du pouvoir.

Chemin faisant, nous rencontrons différents concepts de l’analyse transactionnelle ou d’autres approches psychologiques qui éclairent nos besoins, nos relations interpersonnelles, nos perceptions plus ou moins biaisées du monde et de notre vie, et nos manœuvres ouvertes ou secrètes pour briguer le pouvoir. Ces notions, issues des théories psychologiques et linguistiques, sont éclairées par des exemples de la vie quotidienne, par des souvenirs tirés de la longue expérience de l’auteur dans l’enseignement et dans la formation, et par des épisodes tirés des médias. Elles sont présentées pour ce qu’elles sont dans leur essence : des expressions conceptuelles des aspects multiples de notre vécu quotidien.

Pour le voyageur curieux, il y a là amplement de quoi s’étonner des ressources et des complexités, mais aussi des pièges du psychisme humain. Le professionnel des relations pourra s’inspirer de la manière concrète et profonde qu’a l’auteur de les expliquer. Mais le but prioritaire de l’ouvrage est de déboucher sur une action, celle qui permettra au lecteur de résoudre autant que possible les conflits où il se trouve engagé ou coincé, à condition qu’il soit « client », c’est-à-dire disposé à s’investir activement dans cette démarche.

Dans cette perspective, descriptions vivantes et concepts éclairants ne constituent que la première étape de la démarche, qui consiste à classer et analyser les conflits. Cela veut dire fondamentalement en circonscrire les caractéristiques pertinentes, puis sur cette base formuler l’hypothèse d’un sens possible. Par exemple, si l’on arrive à situer la réaction de l’autre dans la catégorie du besoin fondamental de reconnaissance, cela donne un autre sens à cette réaction, que sinon j’aurais sans doute qualifiée sans autre forme de procès de méchanceté ou d’égoïsme ; si l’hypothèse se vérifie, cette donnée sera un élément essentiel d’une future résolution du conflit.

Nous en arrivons ainsi au voyage retour, qui consiste à sortir autant que possible du conflit, plus précisément à le résoudre, ou du moins à ne pas le laisser devenir plus destructeur.

Alors qu’à l’aller nous avons rencontré des descriptions imagées et des concepts, au retour nous faisons connaissance, comme il est logique, avec différents « savoir-faire », « savoir-dire » ou finalement « savoir-être » utiles pour la résolution du conflit : un état d’esprit positif, la négociation avec autrui et avec soi-même, le développement personnel pour dépasser les limitations chroniques inutiles (ce que les analystes transactionnels appellent le scénario), enfin les stratégies pour sortir des conflits de pouvoir. La réflexion créative et précise de l’auteur sur les transactions, détaillée dans son ouvrage précédent[1], ouvre ici un espace particulièrement vaste de possibilités adaptées à la diversité des situations. Sans illusion magique, car tout n’est pas pour autant gagné d’avance, et c’est pourquoi l’auteur suggère quelques types de réactions au cas où l’autre s’obstinerait ou s’enferrerait dans le conflit…

Au retour de ce voyage, après nous avoir accompagnés dans l’exploration du conflit et de ses modes de résolution, l’auteur tire profit de ce que nous avons découvert en cours de route pour indiquer quelques manières de prévenir le conflit, autrement dit d’éviter de le provoquer ou de l’attiser. C’est un point d’orgue, comme un repos bien gagné après un itinéraire riche en découvertes et en apprentissages !

Puis-je terminer cette préface par une note plus personnelle ? Comme je n’appartiens pas à ceux que l’idée du conflit stimule spontanément, j’avais… un conflit en commençant cette lecture, mais je puis assurer le lecteur que pour moi ce voyage, par son intérêt et sa richesse, en a amplement valu la peine !

José Grégoire, enseignant et superviseur agréé en analyse transactionnelle (T.S.T.A.), spécialité psychothérapie.  


[1] Le GUERNIC, A., Etats du moi, transactions et communication, InterEditions.

Résoudre les conflits relationnels

Quelle est la spécificité de ce type de travail ?

Lors de l’apprentissage de l’AT on perçoit parfois le fait d’entrer dans un jeu psychologique comme quelque chose de mal ou de honteux. Or si les jeux sont présentés comme des erreurs ou des fautes on n’avance pas. Rappelez vous l’effet produit sur vous par une éventuelle confrontation sous la forme de  « C’est un jeu ! » vécue comme une dénonciation . Les formulations de Berne proposées dans « Que dites-vous après avoir dit bonjour »pour définir  le Jeu favorisent cet aspect dévalorisant. La formule J,  comme Jeu, se présente en effet de la manière suivante : A + PF = R , CT, ST, B.

A, c’est l’amorce par l’initiateur du jeu, PF, c’est le point faible chez le partenaire éventuel. Lorsque l’amorce rencontre un point faible complémentaire, la réponse est possible. Le jeu est enclenché. Il se déroule, procure un certain nombre de stimulations et de confirmations et à un moment survient le Coup de Théâtre qui provoque la Stupeur et entraine un Bénéfice. Le mot Bénéfice étant ambigu, on l’a précisé en le complétant par Négatif dans un premier temps puis par Destructeur. Il s’agit le plus souvent d’une confirmation scénarique. Au départ du jeu,  il y a en effet l’amorce lancée vers un interlocuteur susceptible d’entrer dans le jeu de manière complémentaire, si l’amorce rencontre chez lui « un point faible compatible ».

Dans son ouvrage : « Que dites-vous après avoir dit bonjour », Berne appelle l’amorce « attrape nigaud ». Or personne n’aime se voir en « nigaud ». Une vision plus constructive du jeu psychologique consiste à le présenter comme l’un des processus que nous avons mis en place dans notre enfance pour répondre à nos besoins dans nos relations avec autrui. Pour qu’il y ait Jeu, il faut que quelqu’un réagisse à l’amorce à cause d’un point faible que je préfère appeler « point sensible » pour la même raison. Il faut que l’interlocuteur entre dans le jeu de manière complémentaire pour que le jeu puisse se dérouler. D’où l’intérêt de connaître ses jeux favoris et comment on y entre. Pour les explorer, j’ai choisi de travailler à partir des situations  que nous voulons éviter à tout prix.

1- Identifier son point sensible

Pour comprendre comment nous entrons dans les jeux psychologiques, rien de tel que de partir à la recherche de son point sensible. Pour cela, j’utilise la théorisation de Thomas Gordon[2] à propos des problèmes. Il nous invite en effet à chercher à qui appartient le problème, donc à qui il appartient de le régler. Pour ce faire, considérons tous les comportements d’autrui : parmi eux, certains sont acceptables pour nous et d’autres inacceptables. Le problème appartient à celui qui estime que tel ou tel comportement d’autrui est inacceptable pour lui. Il insiste aussi sur le fait que notre niveau de tolérance aux comportements que nous estimons inacceptables varie selon l’humeur et les circonstances. Cet élément du contexte favorise ou non l’entrée dans le jeu psychologique. Quand on est de bonne humeur, on est moins enclin à se disputer !

Il y a une probabilité pour que la réponse à la question : « qu’est ce qui est inacceptable pour vous dans le comportement de cette personne ? » vous indique un de vos points sensibles qui correspondent aux points faibles de la formule J des jeux psychologiques.

Comme exemples de points faibles, je proposerai la crainte d’être critiqué devant ses collègues, d’être jugé peu fiable dans son travail, le sentiment d’injustice, l’horreur d’être interrompu dans son discours, les sous-entendus racistes. On voit que le point faible est seulement quelque chose à quoi on est sensible et à quoi on réagit automatiquement. C’est pourquoi je préfère le terme « sensible ». On se fait facilement manœuvrer par celui qui connaît nos points sensibles et en abuse.

Selon Gordon, le problème appartient donc à celui qui est dérangé par le comportement de l’autre. Il ajoute aussi que c’est le cas quand on est dérangé par son propre comportement, par exemple, lorsqu’on n’aime pas faire des compliments aux autres, qu’on en fait le moins possible et de mauvaise grâce, si bien que cela se voit.

Quand on est dérangé par le comportement de l’autre, on est dans la zone des conflits relationnels ; quand on résiste à avoir certains comportements qui sont attendus on est dans la zone des conflits intrapsychiques : « Je sais qu’il faut savoir motiver les gens en leur donnant des signes de reconnaissance positifs, mais j’ai horreur de ça ! »

Il est évident que si une personne n’est pas dérangée par son propre comportement, elle ne peut se vivre comme ayant un problème et elle ne cherchera pas à le résoudre. L’exemple des personnes qui arrivent régulièrement en retard à leurs rendez-vous est significatif. Ce sont les autres qui sont dérangés et qui ont le problème, pas elles.

Voici comment j’ai réaménagé la grille de répartition des comportements d’autrui. J’y ai ajouté la notion de comportements attendus. En effet, le décalage entre ce qu’on attend et ce qu’on obtient est aussi une source de jeux psychologiques.

Tous les comportements de l’autre
Les comportements acceptables pour moi :   Quand il part sans dire au revoir.    Pas de problème pour moi !
Les comportements inacceptables pour moi :   Quand il laisse entendre en public que je ne fais pas mon travail. Quand il me tend des pièges. Quand il arrive en retard, ce qui retarde le travail.    C’est un problème pour moi. Je suis dérangé.  Mon point sensible : je déteste être en faute.
Les comportements attendus, inacceptables pour lui :   Donner aux autres des signes de reconnaissance positifs.   Il a un problème.

2 – Comment nos points sensibles se complètent et enclenchent des jeux entre nous

Prenez une personne avec laquelle vous êtes en relation régulière. Vous allez chercher quelles sont les zones de tolérance dans cette relation et quelles en sont les limites. Commencez par les comportements de l’autre (inacceptables, acceptables, attendus) puis regardez les vôtres dans le même ordre.

Pour le décryptage, lecture horizontale : ses comportements inacceptables pour moi puis les miens, inacceptables pour lui (zone de conflits).

Ses comportements acceptables pour moi, puis les miens acceptables pour lui (zone de tolérance).

Les comportements attendus de lui par moi et ceux attendus de moi par lui qui sont inacceptables pour chacun (zone de frustration source de conflit, non par ce qui est fait, mais par ce qui n’est pas fait).

Lucie co-dirige une petite entreprise avec Henri. Leur relation satisfaisante jusque là est en train de se détériorer au point qu’elle envisage de partir, même si elle risque de beaucoup y perdre financièrement.

Je la fais travailler sur sa relation avec Henri et l’invite à identifier son point sensible, puis à chercher quel peut être celui d’Henri. La possibilité qu’ils se complètent et se renforcent est importante.

On verra dans le tableau suivant que le jeu entre eux deux a un rapport avec les signes de reconnaissance et la compétition. Pour Henri, il n’est pas facile de donner des signes de reconnaissance positifs et très facile d’en donner des négatifs. Quand il s’en va sans dire au revoir, Lucie n’est pas dérangée, mais elle l’est quand Henri lui donne des signes de reconnaissance négatifs conditionnels sur son travail devant ses collaborateurs. Pour Henri, Lucie n’a pas le droit de réussir mieux que lui. Henri voudrait que Lucie compatisse quand il se plaint, mais c’est impossible pour Lucie.

Les comportements d’Henri :Tous mes comportements :
Ceux qui sont acceptables pour moi. Quand il part sans me dire au revoir. Pas de problème pour moi !  Ceux qui sont acceptables pour lui.   Quand je réussis, mais au prix d’un très gros travail. Pas de problème pour lui !
Ceux qui sont inacceptables pour moi. Quand il laisse entendre en public que je ne fais pas mon travail. Quand il me tend des pièges. C’est un problème pour moi. Je suis dérangée.  Ceux qui sont inacceptables pour lui.   Quand je prends de la place dans les réunions, que je reçois des compliments d’un client. C’est un problème pour lui. Il est dérangé.
Ceux que j’attends de lui et qui sont inacceptables pour lui. Qu’il me donne des signes de reconnaissance positifs. C’est un problème pour lui !  Ceux qu’il attend de moi et qui sont inacceptables pour moi. Le plaindre quand il se lamente. C’est un problème pour moi !
Son point sensible : Être le premier, le préféré.Mon point sensible : Les critiques en public ; la peur d’être manipulée.  
C’est un jeu alimenté par la compétition : chacun persécute l’autre en ne lui donnant pas ce qu’il attend et à quoi il estime avoir droit.  

Henri m’apparaît comme le personnage de la Reine dans Blanche Neige : « C’est moi la plus belle ! Je n’ai que faire des autres. Pas question de rivaliser avec moi, même innocemment ! Le faire, c’est me persécuter et alors je me venge ! »

On voit bien quels sont les rôles complémentaires : Henri se comporte en Persécuteur et attend de l’autre un rôle de Sauveur, car il voudrait être reconnu comme Victime. Lucie se sent Victime d’Henri qu’elle perçoit comme jaloux de ses succès et n’a aucune envie d’entrer dans un rôle de Sauveur en écoutant ses plaintes. Elle le persécute en refusant de le plaindre. Tous les deux sont dans une position OK + /OK- (voir les positions de vie).

Lucie, qui est ici la cliente, a intérêt à être vigilante sur son point faible : les critiques en public et sa peur d’être manipulée.

Qu’il s’agisse des relations de couple, des jeux entre parents et enfants ou de relations de travail, nous savons bien ce que nous ne supportons pas et en réfléchissant nous trouverons facilement ce que l’autre ne supporte pas dans notre comportement. Encore faut-il admettre qu’il faut être deux pour jouer et que la responsabilité est partagée.

Influencée que je suis par l’analyse systémique, j’ai tendance à regarder amorce + point faible fonctionner simultanément  plutôt que consécutivement, ce qu’impliquent les flèches dans la définition du jeu psychologique et le terme d’amorce et de point sensible, car l’amorce est fatalement perçue comme une cause. En fait les points sensibles de chacun peuvent être autant de tentations d’amorces pour les joueurs. Dire que nous entrons en même temps dans un jeu signifie qu’on peut également s’abstenir et éviter les personnes qui nous accrochent ou qu’on accroche.

Agnès Le Guernic, TSTA Education.


[1] Cet article reprend l’application 6 sur les jeux psychologiques de mon ouvrage : « L’analyse transactionnelle en action. Les concepts clés et leurs applications pratiques » réédité chez Amazon

[2] Thomas Gordon : Parents efficaces, Editions Marabout Poche, 2013.

Résoudre les conflits relationnels avec la grille des jeux psychologiques

Vous pouvez trouver dans cet article des Actualités en Analyse Transactionnelle des pistes pour travailler sur la résolution de conflits. Voici le lien : https://www.cairn.info/revue-actualites-en-analyse-transactionnelle-2020-1-page-14.htmLe Guernic Agnès, « Résoudre les conflits relationnels avec la grille des jeux psychologiques [1] », Cliquez sur le chiffre 1.

Relire « Le deuxième sexe » de Simone de Beauvoir

« Il est difficile à l’homme de mesurer l’extrême importance de discriminations sociales qui semblent du dehors insignifiantes et dont les répercussions morales, intellectuelles sont dans la femme si profondes qu’elles peuvent paraître avoir leur source dans une nature originelle. L’homme qui a le plus de sympathie pour la femme ne connaît jamais bien sa situation concrète. Aussi n’y a-t-il pas lieu de croire les mâles quand ils s’efforcent de défendre des privilèges dont ils ne mesurent même pas toute l’étendue ».

Voilà comment Simone de Beauvoir présente le fossé entre les hommes et les femmes et l’incompréhension inévitable entre eux. La notion de « méconnaissance » en analyse transactionnelle en rend bien compte . IL s’agit ici et de la méconnaissance des stimuli (les discriminations ne sont pas identifiées par les hommes car ils ne les subissent pas ) et de la méconnaissance de leur signification (leurs conséquences sur la vie des femmes ne sont pas identifiées).

Nos besoins ne comptent pas pour rien!

Nous avons tous intérêt à connaître nos besoins fondamentaux : besoins de stimulations, de structure et de signes de reconnaissance ou de position, selon l’analyse transactionnelle. Les besoins de stimulations changent selon notre âge, notre état de santé, la période de l’année. Ainsi un enfant rêveur a-t-il besoin de moments de tranquillité, de silence, de retrait. Un autre a besoin de se dépenser davantage ; il travaille sur fond musical et le silence lui est insupportable. En vieillissant, on peut préférer le calme et la tranquillité, mais pas toujours. Connaître ses sources de stimulations préférées et être attentif à celles de son entourage  est un gage de vie harmonieuse.

L’analyse transactionnelle classe les signes de reconnaissance entre signes positifs ou négatifs, chacun  parlant de la personne ou du comportement. Ils nous sont apportés par les contacts de la vie sociale : famille, travail et loisirs. Les signes de reconnaissance les plus recherchés sont  les positifs. On aime se sentir vu, apprécié pour ce qu’on est ou ce qu’on fait. Mais il est bon pourtant d’être averti par les autres de ce qui ne va pas dans notre manière d’être ou de nous comporter.

Posez-vous la question  « Si j’était une petite souris écoutant mes amis parlant de moi, qu’aimerais-je entendre dire ? Qu’est ce que je détesterais entendre dire de moi ? Et si c’était des gens que je n’aime pas beaucoup, qu’est-ce que j’aimerais entendre dire de moi et qu’est ce que je détesterais entendre dire ? »

Dans le cas où vous êtes un homme, supposons que vos amis disent :

– Il est intelligent, mais un peu arrogant parfois.

– C’est un bosseur qui connaît ses dossiers.

– Il a du charme. Il est très séduisant !

– Ses plaisanteries sont parfois douteuses.

Si vous êtes une femme mettez la phrase au féminin. Est-ce pareil ?

Supposons que des personnes que vous détestez peut-être disent la même chose, quelle serait votre réaction ?

Nous attendons de nos amis qu’ils nous trouvent pleins de qualités et qu’ils excusent nos travers, qu’ils nous disent ce qu’ils aiment en nous et taisent nos défauts, car il n’est pas agréable de s’entendre dire qu’on est arrogant ou qu’on fait des plaisanteries douteuses. Pourtant cela pourrait nous rendre service de savoir quel effet nous faisons aux autres.

Comment obtenir des signes de reconnaissance ? On augmente ses chances en en donnant. Ceux qui en donnent volontiers et qui acceptent ceux qu’on leur donne sont considérés comme ouverts, aimables et conviviaux. Leurs relations sont plus faciles. On peut aussi en demander, mais si on n’en donne guère, l’issue est incertaine. Dans les familles la gestion des signes de reconnaissance est généralement répétitive : ce sont souvent les mêmes qui donnent et les mêmes qui reçoivent. C’est intéressant d’identifier comment le système fonctionne, quel type de signe de reconnaissance on donne et quel type on reçoit. Si les différences font problème, en parler.

Que faire ? Que dire ? quand on a du mal à donner des signes de reconnaissance ?

Il ne s’agit pas seulement de faire des compliments ou des critiques, mais de marquer son attention :

– Demander à l’autre son avis, son opinion ou un conseil.

– Prendre le temps de s‘intéresser à ce qu’il fait, à ce qu’il aime.

– Faire en sorte qu’il sente qu’il existe pour vous et qu’il est important.

Mais il le sait, me direz-vous. Peut-être ou peut-être pas, mais c’est de toute façon mieux quand c’est dit.

Le besoin de structure peut concerner l’espace, la relation ou le temps.  Certains aiment un espace dépouillé, presque vide, d’autres l’encombrent, l’emplissent. A l’un les vastes espaces, à l’autre les lieux confinés, populeux, vivants, les villes pleines de bruit. Certains gardent avec autrui une distance minimum, d’autres se tiennent tout près de leur interlocuteur.

Dans la relation, nous avons besoin de savoir qui fait quoi, quel est le rôle de chacun, quelle est sa responsabilité. C’est en rapport avec le besoin de position.

Les six manières d’occuper le temps sont toutes indispensables, mais leur répartition change aussi avec l’âge, l’époque et les moments forts de la vie. Berne les a classées en fonction des signes de reconnaissance qu’ils nous apportent.

  • Le retrait ne nous en apporte guère, sauf ceux que nous nous donnons ;
  • les rituels sont le minimum vital de contact avec autrui en société : certaines personnes isolées n’ont plus personne à qui parler ; elles doivent se contenter d’un mot gentil du commerçant ou du salut du gardien d’immeuble ;
  • le passe-temps occupe davantage, mais évite tout ce qui est important et impliquant : la pluie et le beau tems, la vie qui renchérit, les professionnels qui font leur travail de plus en plus mal, les soucis apportés par les enfants, tous ces bavardages parentaux sont autant de passe-temps.
  • L’activité est une très grande source de signes de reconnaissance positifs et négatifs, portant sur la personne ou le comportement ;
  • Les jeux psychologiques encore plus ;
  • L’intimité est la manière d’occuper son temps qui apporte les signes de reconnaissance les plus intenses. Mais les déceptions du passé nous en limitent l’accès, lorsqu’on dit par exemple : Je ne veux plus aimer car je ne veux plus souffrir

Ces six manières ont chacune leur place dans la vie des groupes. On n’entre pas dans l’activité sans franchir d’abord les étapes du retrait, du rituel et d’un peu de passe-temps. S’il se prolonge, c’est pour éviter l’activité. Les bavardages en classe ou dans les réunions correspondent au passe-temps. Le responsable du groupe veille à les réduire, mais il peut aussi les organiser : si les stagiaires travaillent en très petit groupe, leurs échanges ont des chances de comporter plus d’activité que de passe-temps. Les jeux psychologiques qui se manifestent par des disputes et des éclats servent aussi à éviter l’activité : l’énergie est mobilisée par les processus relationnels dommageables à la place de l’activité. Les jeux servent aussi à éviter l’intimité. Elle est plus rare dans les lieux de  travail, mais les groupes qui marchent bien savent ménager des moments d’émotion qui relèvent de l’intimité et font le charme de la vie de groupe.

Chaque manière a son utilité : le retrait permet la réflexion, le repos : on reste centré sur ses pensées, ses sentiments, son ressenti corporel. Les rituels nous mettent en contact de manière sommaire avec notre entourage social. Le passse-temps , occasion de parler de tout et de rien accorde plus de temps à la relation que le rituel qui est souvent non-verbal. Lors des passe-temps on tâte le terrain : jusqu’où peut-on aller plus loin dans la relation ? L’activité est importante : nous sommes en relation avec nos collègues, nos partenaires de vie ; des tâches nous relient ; que faire alors à la retraite ? Les jeux psychologiques sont autant de moyens de maintenir des relations intenses, même sitout cela se termine mal. Au moins nous nous sentons vivants ! Quant à l’intimité c’est une manière de vivre la relation sur un mode tranquille ou intense en sécurité.

Que se passe-t-il en cas de « burn out » ?

Sous l’effet du stress, le temps vécu se désorganise. Les moments de retrait qui favorisent d’habitude le ressourcement sont envahis par les préoccupations qui sont en rapport avec l’activité et les jeux psychologiques. Les tensions qui vont avec ne trouvent plus de moment pour être apaisées. La personne pense à son travail ou aux relations de travail éprouvantes et ne parvient plus à dormir et à stopper le bouillonnement de son esprit. Les jeux s’auto-alimentent. L’activité cérébrale tourne à vide, ce qui conduit à l’épuisement. Le corps est oublié ; les bonnes sensations corporelles ne sont plus accessibles. Les remèdes de la méditation, de la contemplation de la beauté deviennent hors de portée car l’esprit est envahi par les obsessions.

Que faire ? Se recentrer sur son corps : respiration, massages, méditation ; retrouver la capacité de faire le vide dans son esprit. Se reconditionner en se formulant des messages positifs comme de se féliciter d’avoir réussi telle chose dans la journée, d’avoir apprécié la beauté de telle fleur, de tel paysage, de tel geste. Se réapproprier les fonctions de ressourcement du retrait. Relancer les rituels et les passe-temps en les regardant comme tels : des contacts stéréotypés avec les autres liés à nos besoins d’êtres humains socialisés. Penser à ce que vous êtes en train de faire. Regarder les gens, les voir !

Enfin, si vous vous occupez bien de satisfaire vos besoins, pensez aussi à ceux des autres !