Nos besoins ne comptent pas pour rien!

Nous avons tous intérêt à connaître nos besoins fondamentaux : besoins de stimulations, de structure et de signes de reconnaissance ou de position, selon l’analyse transactionnelle. Les besoins de stimulations changent selon notre âge, notre état de santé, la période de l’année. Ainsi un enfant rêveur a-t-il besoin de moments de tranquillité, de silence, de retrait. Un autre a besoin de se dépenser davantage ; il travaille sur fond musical et le silence lui est insupportable. En vieillissant, on peut préférer le calme et la tranquillité, mais pas toujours. Connaître ses sources de stimulations préférées et être attentif à celles de son entourage  est un gage de vie harmonieuse.

L’analyse transactionnelle classe les signes de reconnaissance entre signes positifs ou négatifs, chacun  parlant de la personne ou du comportement. Ils nous sont apportés par les contacts de la vie sociale : famille, travail et loisirs. Les signes de reconnaissance les plus recherchés sont  les positifs. On aime se sentir vu, apprécié pour ce qu’on est ou ce qu’on fait. Mais il est bon pourtant d’être averti par les autres de ce qui ne va pas dans notre manière d’être ou de nous comporter.

Posez-vous la question  « Si j’était une petite souris écoutant mes amis parlant de moi, qu’aimerais-je entendre dire ? Qu’est ce que je détesterais entendre dire de moi ? Et si c’était des gens que je n’aime pas beaucoup, qu’est-ce que j’aimerais entendre dire de moi et qu’est ce que je détesterais entendre dire ? »

Dans le cas où vous êtes un homme, supposons que vos amis disent :

– Il est intelligent, mais un peu arrogant parfois.

– C’est un bosseur qui connaît ses dossiers.

– Il a du charme. Il est très séduisant !

– Ses plaisanteries sont parfois douteuses.

Si vous êtes une femme mettez la phrase au féminin. Est-ce pareil ?

Supposons que des personnes que vous détestez peut-être disent la même chose, quelle serait votre réaction ?

Nous attendons de nos amis qu’ils nous trouvent pleins de qualités et qu’ils excusent nos travers, qu’ils nous disent ce qu’ils aiment en nous et taisent nos défauts, car il n’est pas agréable de s’entendre dire qu’on est arrogant ou qu’on fait des plaisanteries douteuses. Pourtant cela pourrait nous rendre service de savoir quel effet nous faisons aux autres.

Comment obtenir des signes de reconnaissance ? On augmente ses chances en en donnant. Ceux qui en donnent volontiers et qui acceptent ceux qu’on leur donne sont considérés comme ouverts, aimables et conviviaux. Leurs relations sont plus faciles. On peut aussi en demander, mais si on n’en donne guère, l’issue est incertaine. Dans les familles la gestion des signes de reconnaissance est généralement répétitive : ce sont souvent les mêmes qui donnent et les mêmes qui reçoivent. C’est intéressant d’identifier comment le système fonctionne, quel type de signe de reconnaissance on donne et quel type on reçoit. Si les différences font problème, en parler.

Que faire ? Que dire ? quand on a du mal à donner des signes de reconnaissance ?

Il ne s’agit pas seulement de faire des compliments ou des critiques, mais de marquer son attention :

– Demander à l’autre son avis, son opinion ou un conseil.

– Prendre le temps de s‘intéresser à ce qu’il fait, à ce qu’il aime.

– Faire en sorte qu’il sente qu’il existe pour vous et qu’il est important.

Mais il le sait, me direz-vous. Peut-être ou peut-être pas, mais c’est de toute façon mieux quand c’est dit.

Le besoin de structure peut concerner l’espace, la relation ou le temps.  Certains aiment un espace dépouillé, presque vide, d’autres l’encombrent, l’emplissent. A l’un les vastes espaces, à l’autre les lieux confinés, populeux, vivants, les villes pleines de bruit. Certains gardent avec autrui une distance minimum, d’autres se tiennent tout près de leur interlocuteur.

Dans la relation, nous avons besoin de savoir qui fait quoi, quel est le rôle de chacun, quelle est sa responsabilité. C’est en rapport avec le besoin de position.

Les six manières d’occuper le temps sont toutes indispensables, mais leur répartition change aussi avec l’âge, l’époque et les moments forts de la vie. Berne les a classées en fonction des signes de reconnaissance qu’ils nous apportent.

  • Le retrait ne nous en apporte guère, sauf ceux que nous nous donnons ;
  • les rituels sont le minimum vital de contact avec autrui en société : certaines personnes isolées n’ont plus personne à qui parler ; elles doivent se contenter d’un mot gentil du commerçant ou du salut du gardien d’immeuble ;
  • le passe-temps occupe davantage, mais évite tout ce qui est important et impliquant : la pluie et le beau tems, la vie qui renchérit, les professionnels qui font leur travail de plus en plus mal, les soucis apportés par les enfants, tous ces bavardages parentaux sont autant de passe-temps.
  • L’activité est une très grande source de signes de reconnaissance positifs et négatifs, portant sur la personne ou le comportement ;
  • Les jeux psychologiques encore plus ;
  • L’intimité est la manière d’occuper son temps qui apporte les signes de reconnaissance les plus intenses. Mais les déceptions du passé nous en limitent l’accès, lorsqu’on dit par exemple : Je ne veux plus aimer car je ne veux plus souffrir

Ces six manières ont chacune leur place dans la vie des groupes. On n’entre pas dans l’activité sans franchir d’abord les étapes du retrait, du rituel et d’un peu de passe-temps. S’il se prolonge, c’est pour éviter l’activité. Les bavardages en classe ou dans les réunions correspondent au passe-temps. Le responsable du groupe veille à les réduire, mais il peut aussi les organiser : si les stagiaires travaillent en très petit groupe, leurs échanges ont des chances de comporter plus d’activité que de passe-temps. Les jeux psychologiques qui se manifestent par des disputes et des éclats servent aussi à éviter l’activité : l’énergie est mobilisée par les processus relationnels dommageables à la place de l’activité. Les jeux servent aussi à éviter l’intimité. Elle est plus rare dans les lieux de  travail, mais les groupes qui marchent bien savent ménager des moments d’émotion qui relèvent de l’intimité et font le charme de la vie de groupe.

Chaque manière a son utilité : le retrait permet la réflexion, le repos : on reste centré sur ses pensées, ses sentiments, son ressenti corporel. Les rituels nous mettent en contact de manière sommaire avec notre entourage social. Le passse-temps , occasion de parler de tout et de rien accorde plus de temps à la relation que le rituel qui est souvent non-verbal. Lors des passe-temps on tâte le terrain : jusqu’où peut-on aller plus loin dans la relation ? L’activité est importante : nous sommes en relation avec nos collègues, nos partenaires de vie ; des tâches nous relient ; que faire alors à la retraite ? Les jeux psychologiques sont autant de moyens de maintenir des relations intenses, même sitout cela se termine mal. Au moins nous nous sentons vivants ! Quant à l’intimité c’est une manière de vivre la relation sur un mode tranquille ou intense en sécurité.

Que se passe-t-il en cas de « burn out » ?

Sous l’effet du stress, le temps vécu se désorganise. Les moments de retrait qui favorisent d’habitude le ressourcement sont envahis par les préoccupations qui sont en rapport avec l’activité et les jeux psychologiques. Les tensions qui vont avec ne trouvent plus de moment pour être apaisées. La personne pense à son travail ou aux relations de travail éprouvantes et ne parvient plus à dormir et à stopper le bouillonnement de son esprit. Les jeux s’auto-alimentent. L’activité cérébrale tourne à vide, ce qui conduit à l’épuisement. Le corps est oublié ; les bonnes sensations corporelles ne sont plus accessibles. Les remèdes de la méditation, de la contemplation de la beauté deviennent hors de portée car l’esprit est envahi par les obsessions.

Que faire ? Se recentrer sur son corps : respiration, massages, méditation ; retrouver la capacité de faire le vide dans son esprit. Se reconditionner en se formulant des messages positifs comme de se féliciter d’avoir réussi telle chose dans la journée, d’avoir apprécié la beauté de telle fleur, de tel paysage, de tel geste. Se réapproprier les fonctions de ressourcement du retrait. Relancer les rituels et les passe-temps en les regardant comme tels : des contacts stéréotypés avec les autres liés à nos besoins d’êtres humains socialisés. Penser à ce que vous êtes en train de faire. Regarder les gens, les voir !

Enfin, si vous vous occupez bien de satisfaire vos besoins, pensez aussi à ceux des autres !

De l’inconvénient de juger les autres et de leur faire la leçon

Pourquoi détestons-nous autant nous sentir jugés, critiqués ? Pourquoi réagissons-nous vivement quand on nous fait la leçon ? Parce que, bien qu’étant des adultes, nous nous sentons traités comme si nous étions des enfants face à des parents autoritaires qui nous jugent et nous dévalorisent. Nous sommes coincés en position basse, en position de dominés et, comme le disent les analystes transactionnels, nous réagissons alors automatiquement depuis notre état du moi Enfant, face à un interlocuteur se trouvant dans l’état du moi Parent[1].

L’état du moi Enfant est la partie la plus ancienne de notre personne. Elle contient les traces partiellement oubliées de l’enfant que nous avons été, avec ses sentiments et ses pensées se manifestant par des comportements caractéristiques de cette période : tantôt c’est la soumission, tantôt c’est la rébellion face aux figures parentales ; tantôt aussi ce sont les questions témoignant de la réflexion, le jeu libre avec les camarades comme c’est le cas dans la cour de récréation. Lire plus loin

Les transactions verrouillées

Elles sont utiles pour décrypter et résoudre les problèmes de communication dans la relation professionnelle.

Nous avons tous appris, dans notre enfance, à fonctionner avec les autres et nous reproduisons généralement sans en avoir jamais conscience le type d’interactions que nous avons mis en place depuis l’enfance. Nous n’avons donc pas éprouvé le besoin d’en chercher d’autres et nous ignorions même que c’était possible. Question de circonstances et d’environnement.

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Je dis non à la solitude, comment créer des liens et les entretenir.

Je  vous propose dans ce nouvel ouvrage quelques clés inspirées de l’analyse transactionnelle pour acquérir de nouvelles compétences relationnelles afin de faciliter les échanges de qualité avec les membres de vos réseaux qu’ils soient sociaux ou intimes. Il s’agit d’échapper au piège de la solitude qui nous menace trop souvent et de créer des liens répondant à nos besoins. Nous repèrerons les automatismes destructeurs à corriger et les choix positifs possibles pour créer autour de vous le cercle relationnel chaleureux auquel vous aspirez.

LES RUBRIQUES :

  • La famille d’origine : les modèles
  • Les amis : de l’enfance à la vie d’adulte
  • La vie professionnelle et ses variétés de statuts
  • La vie amoureuse, conjugale et familiale, sa place dans nos vies

 

Quand nous parlons comme des parents s’adressant à des enfants…

Dans les périodes de protestations sociales comme celle où nous vivons, on parle beaucoup du mépris des élites, de leur arrogance, de l’humiliation des « petits ». Est-ce seulement un mépris de classe ou n’est-ce pas souvent un problème de positionnement dans la relation. La réponse nous indiquera si ceux que nous désignons comme les élites ont quelque chose à apprendre, certains diront s’ils sont réformables.

Comment les relations fonctionnent-elles ? 

Les systémiciens voient la relation comme un système où chacun se positionne inconsciemment de manière complémentaire ou compétitive. Chacun peut être tour à tour dans une position haute, basse ou égale par rapport à l’autre. Quand nous parlons comme des parents s’adressant à des enfants, nous nous plaçons  dans la position haute et invitons l’autre à se placer dans la position basse, celle que nous avons expérimentée dans notre enfance par rapport à nos parents et aux adultes de l’entourage. Quand nous nous présentons en position basse, nous invitons l’autre à se positionner de manière complémentaire en position haute, comme le faisaient  nos parents et les autres adultes quand nous étions enfants. Ces deux positions sont notre lot quotidien. Elles n’impliquent aucune valeur particulière en soi. Le mépris, la condescendance et l’arrogance n’ont rien à voir là dedans ni l’humilité et le sentiment d’infériorité.

En revanche face à une personne qui se positionne comme un parent face à un enfant la réaction varie : on se soumet ou on se rebelle.La plupart des conflits de la vie quotidienne découlent  d’un positionnement compétitif. Je peux rivaliser avec l’autre pour la position haute ou pour la position basse soit en revendiquant mon rôle de  dirigeant, responsable, expert sachant mieux que l’autre, soit en me situant comme non responsable, non concerné, ignorant. L’école en favorisant la compétition entre les élèves plus que la solidarité et la coopération favorise par là même les deux extrêmes : la course aux meilleurs résultats d’une part et l’abandon de toute ambition ou désir d’action d’autre part .

La première position que nous avons expérimentée dans notre vie, c’est la position basse, quand nous étions enfants face à nos parents, à nos aînés dans la famille et aux adultes en général. Même les enfants-rois dans leur famille se heurtent à la réalité du rapport de force physique et de dépendance aux adultes.

Nous avons découvert ensuite la position hauteavec les enfants plus jeunes de la famille ou les camarades d’école du même âge. Les enfants-leaders s’installent  durablement dans la position haute dans leur relation avec les autres enfants. Face à un parent malade, son enfant peut se montrer secourable, en position haute. Aucune connotation positive ou négative systématique là dedans !

Dans la vie quotidienne ordinaire, nous passons sans cesse de l’une à l’autre,dirigeant les autres ou leur obéissant, donnant des conseils ou en sollicitant, cherchant de l’aide ou en donnant, jugeant les autres ou acceptant les critiques.

Dans ces diverses situations, notre position sera observableà partir d’indices corporels et verbaux dont nous n’aurons peut-être pas du tout conscience, mais auxquels les autres réagiront : ton de voix, mimiques, gestes d’attaque ou de défense, termes employés, débit de parole. Ils sont caractéristiques de ce que nous pouvons observer chez des enfants face à des grandes personnes et chez des grandes personnes face à des enfants. Les entretiens politiques à la télévision sont une mine pour décoder les indices de la position prise par les journalistes,  les experts ou les invités ordinaires. On pourra observer aussi les réponses complémentaires ou compétitives. La réponse complémentaire permet de rester dans le lien et la réponse compétitive exprime la  rivalité et signale les conflits.

La position égale  est la plus rare. Elle est construite et elle s’apprend.. Elle suppose l’acceptation réciproque et des manières  de communiquer spécifiques : écoute, respect de son rythme et de celui de l’autre, reformulations, neutralité et référence aux faits. Il s’agit de faire abstraction de son statut professionnel ou de sa position sociale, se considérant par exemple dans le domaine politique comme des citoyens d’égale compétence, ou dans le domaine relationnel ordinaire comme des êtres humains tous estimables et intéressants.

Pour moi, la relation à l’autre qui se construit dans l’enfance, dans la famille et à l’école varie sans cesse : on passe de la position haute à la position basse et à la position égale dans la relation. Même si l’on trouve dans toutes les classes sociales  des personnes peu sûres d’elles qui adoptent spontanément la position basse dans la relation, les personnes éduquées et leurs enfants sont plus volontiers dans la position haute. Elles trouvent naturel de commander, de commenter les faits, d’être suivies dans leurs opinions. Elles évitent le plus possible de prendre la position basse, celle où l’on reçoit des ordres, où l’on s’entend dire qu’on ne pense pas comme il faut et qu’on doit obéir. Ces deux positions ont été intégrées par un enfant qui est le plus souvent en position d’infériorité par rapport aux adultes et parfois en position de supériorité par rapport à ses frères et ses camarades plus jeunes.

La troisième position, la position égale s’acquiert aussi dans les groupes : égalité à l’école entre enfants du même âge ou de la même classe à l’occasion des regroupements d’élèves. Mais pour la développer il faut qu’on y entraine les enfants.

Quel est le problèmepour ceux qu’on appelle les élites ?

Avec l’élévation du niveau de connaissances de la population en occident et le développement de la démocratie, on attendrait dans les échanges  politiques le développement d’une communication égale, dans la réflexion et la pensée. En réalité en politique on rencontre le plus souvent le jugement. Les élites n’ont pas intégré le changement général de niveau de connaissances dans la population, dû au développement des études, mais aussi à la vulgarisation générale des savoirs que ce soit dans le domaine médical, économique, psychologique, scientifique. Or la position haute est de moins en moins bien supportée (sauf en cas de danger lorsque  par exemple les pompiers protègent les passants contre l’incendie) et  tout passe pour manifestation de mépris.Le langage s’il est de bonne tenue met plus à distance qu’il ne rapproche. La franchise est perçue comme de l’arrogance. On ne veut pas de langue de bois, mais on supporte mal la communication directe.

Ceux qu’on nomme « élites » sontdes personnes considérées comme ayant du pouvoir aux plans des responsabilités, de la richesse ou du savoir.  Leur nombre a augmenté mais surtout le niveau d’instruction et d’éducation ainsi que la vulgarisation des connaissances ont transformé la population et inversé le nombre des personnes informées par rapport à celles qui sont considérées comme moins instruites. Il n’y a pas si longtemps, les personnes qui avaient fait des études universitaires étaient une minorité. Elles sont aujourd’hui beaucoup plus nombreuses. Celles qui avaient le certificat d’études vont aujourd’hui jusqu’au baccalauréat et celles qui n’avaient pas fait d’études et qui sont intéressées par la vulgarisation des connaissances sont de plus en plus nombreuses, qu’il s’agisse de la santé, de la cuisine, de l’art de cultiver les jardins ou de la psychologie. Les gens sont de plus en plus éduqués de différentes manières. Internet peut donner aussi l’illusion de la connaissance en rendant plus facile son accès. Or ceux qu’on considère comme  les élites conservent l’habitude de prendre la position haute dans la relation. Ils n’en ont pas conscience. Ils sont pris dans des automatismes. Les temps ont changé mais ils sont prisonniers de leur manière de se positionner par rapport à leurs interlocuteurs. Ils continuent de parler aux autres et des autres comme s’ils étaient des enfants. L’éducation et les habitudes acquises dans une école française qui favorise la compétition et les concours, tout cela les y pousse.

Comment repère-t-on la position haute ?

Par les généralisations (les jeunes sont comme ça !), les jugements, même positifs comme : Ils prennent (ou fuient) les responsabilités, les dénigrements (Rien à attendre d’eux)  et dévalorisations (toujours les mêmes !), les mots employés évoquant les obligations (Ya qu’à..), l’usage de l’impératif (Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas !), la valorisation de soi (faites comme moi), les mimiques et postures parentales, le ton assuré, les exagérations.  Dans les émissions politiques observez l’attitude des journalistes en position d’analyser la politique conduite  par le gouvernement. Il est frappant de voir l’assurance de certains. Elle est dans le ton, le caractère péremptoire des jugements de ceux qui adoptent la position haute. Or ils ne sont pas forcément les plus pertinents. D’autres sont plus nuancés, plus discrets. Ils peuvent prendre la position basse face aux responsables ayant à gérer un problème complexe ou se positionner en experts partageant leur analyse avec autrui.

Qu’est-ce qui rend légitime la position haute ?

C’est en général le statut ou une composante du rôle : ainsi pour les pompiers en action les ordres péremptoires destinés à sécuriser une scène d’incendie et à écarter les curieux sont les seuls adaptés à la situation. Le statut professionnel ou social en général autorise une personne à  donner des ordres à quelqu’un d’autre. Or il est de plus en plus difficile de les faire accepter. Observez l’attitude des patients vis à vis de leur médecin, des élèves ou des étudiants vis à vis de leurs professeurs, des passants vis à vis de la police ou même des citoyens vis à vis du chef de l’état. Ségolène Royal accolait toujours  à la nécessité de l’ordre le mot « juste ». C’était une manière d’anticiper sur la rébellion instinctive de nos concitoyens devant les directives, même appropriées.

Déjà qu’on attend des femmes et des hommes politiques qu’ils soient  tous parfaitement honnêtes et désintéressés, compétents dans leur domaine et bons orateurs  avec en plus une vision et un optimisme affirmés.

Je crois donc que les populations qui sont considérées comme faisant partie des élites n’ont pas appris  à se positionner en égales dans la relation à l’autre pour des raisons de culture familiale ou sous l’influence de la compétition scolaire qui justifie la position haute aux yeux de ceux qui en sont bénéficiaires.

Comment apprendre, adulte, ce qu’on n’a pas appris, enfant ?

Comment pratiquer l’égalitédans le monde du travail ou de la vie politique qui sont régis par des statuts différents ? Je crois au travail sur soi : développement personnel et thérapie qui débouchent sur une meilleure connaissance de ce qu’on introduit dans la relation. Mais on pourrait déjà commencer par un travail de formation avec vidéos afin d’identifier les indices de la position prise.

S’entraîner à observer quelle est la position apparente de chacun dans la relation ; vérifier si elle est authentique ou si des éléments de jugement (position haute) ou de dévalorisation personnelle (position basse) ne s’introduisent pas à son insu au niveau caché. Ensuite par des jeux de rôle s’entraîner à modifier sa position. C’est à ce prix qu’on pourra ouvrir son esprit et progresser dans la relation égale.

On veillera aussi  à observer les différents contenus des messages. Il existe en analyse transactionnelle un concept intéressant pour décrire les différents niveaux de message lors des échanges entre les personnes. Ce sont les échanges à double fond. Au niveau social, on informe ; au niveau psychologique ou caché, on juge et l’interlocuteur réagit au niveau caché. Soit il s’écrase devant quelqu’un en position haute, soit il se rebelle et entre en compétition. Ainsi devant quelqu’un qui interroge l’autre au niveau social : « Vous avez pensé à vous faire aider ? » on peut entendre « Vous devriez vous faire aider » et réagir en position basse : « Je ne sais pas comment procéder » ou haute « Ce n’est pas moi qui dois changer, c’est lui ! ».

Les professionnels de la communication bien formés ont acquis le pouvoir de choisir leur position. Ils savent se mettre en position basse pour amorcer la recherche d’une solution par le client ou en position égale pour en explorer les possibilités avec lui. Ils peuvent choisir entre la complémentarité et la compétition. Leur position n’est plus automatique mais délibérée. Ils savent aussi faire la chasse aux jugements en double fond en démasquant le niveau psychologique  de l’échange. C’est une vraie compétence. Dans notre monde complexe et changeant, elle devient une capacité nécessaire dans la conduite des équipes d’hommes et de femmes.

On peut apprendre la relation d’égalité à l’école dans le cadre de l’apprentissage de la langue aussi bien que de la vie démocratique. On le fait un peu par exemple lors de la gestion coopérative à l’école primaire, dans l’entraînement à l’observation et à la prise en compte des faits, en favorisant le respect de l’autre et de ses opinions. Malheureusement les émotions, les rivalités, la compétition pour les premières places l’emportent trop souvent. Travailler à développer les compétences sociales de chacun serait un objectif  important, source de bien-être pour tous. Cela peut faire l’objet de formations destinées aux adultes.

Si j’avais un conseil à donner ce serait d’y traiter les préjugés qui caractérisent l’état de parent. Dès que vous entendez : mépris, jugement, colère, ressentiment, il y a du parent dans l’air et des réactions rebelles.  Reste que le bon parent donne un cadre, protège, laisse grandir et considère l’autre comme aussi compétent et responsable que lui-même.

Car tous aspirent à être traités en égaux. On attend de tous les comportements  et les modes relationnels utilisés par les professionnels de la relation : pour être efficace, le psy doit comme l’avocat être du côté de son client ; il doit obtenir suffisamment d’informations sur lui pour pouvoir l’aider ; il doit l’accompagner sans le précéder ni le remplacer. Il doit le confronter sans le juger.