Le texte précédent décrivait la mise en place du harcèlement. Cet extrait du livre « Un élève est aussi un enfant » aborde le rôle de la compétition et de la prise de pouvoir sur l’autre dans les groupes d’enfants. Il dit comment agir dans l’école et à l’extérieur pour prévenir ces jeux dangereux. Les professionnels de l’éducation doivent y être sensibilisés.
Prenons le cas de Maud,
Rien ne va plus
Maud est une élève de CM1. Depuis deux ou trois semaines elle traîne le matin au lit. Sa mère vient plusieurs fois la réveiller. Jusque-là, à peine la sonnerie du réveil entendue, elle était debout. Elle dit qu’elle a mal au ventre. Elle part à la dernière minute à l’école. La visite chez le médecin n’a rien diagnostiqué d’anormal.
Ce soir, elle rapporte son bulletin et là c’est la catastrophe. Toutes les notes ont baissé. Elle qui était une bonne élève se retrouve avec la moyenne la plus basse de la classe.
Ses parents s’inquiètent, interrogent Maud sur ses résultats mais celle-ci refuse de commenter quoi que ce soit.
L’explication arrive quelques jours plus tard. Un surveillant de cantine surprend deux garçons de la classe de Maud en train de la maltraiter, alors qu’elle se trouve aux toilettes. Ils lui remontent sa jupe, lui demande de baisser sa culotte.
Depuis plusieurs semaines, ces garçons harcèlent sexuellement Maud. D’autres enfants ont bien vu ce qui se passait, mais n’osent pas en parler de peur de représailles.
Cette situation n’est malheureusement pas exceptionnelle.
Le harcèlement scolaire[1] peut être analysé comme faisant partie des manoeuvres de pouvoir. Celles-ci peuvent être grossières et visibles, et dans ce cas elles reposent sur l’exercice de la force ou subtiles et moins faciles à détecter, car utilisant les moqueries, la délation et le dénigrement. Elles sont basées sur l‘intimidation d’une personne plus faible avec généralement la complicité du groupe. Le harcèlement scolaire implique très souvent la violence physique. Mais il passe aussi souvent par des paroles blessantes, dites avec l’intention de faire mal.
Les comportements, gestes et paroles sont répétitifs :
- frapper, donner des coups de pieds, tirer les cheveux, pousser, maintenir une personne au sol,
- dire des mensonges à propos d’une personne, répandre des rumeurs fausses, se moquer des autres, donner des surnoms,
- envoyer des messages méchants,
- essayer de faire que les autres se mettent à détester un élève, mettre une photo ridiculisant quelqu’un sur Facebook.
Pour l’analyste transactionnel, il s’agit, dans ce genre de manœuvres qu’on nomme « jeux de pouvoir » de faire faire à une personne ce qu’elle ne veut pas faire,
- comme de l’obliger à donner ses lunettes, son blouson,
- ou de l’empêcher de faire ce qu’elle veut faire, comme de se faire des amis.
La manœuvre est « consciente » ce qui indique qu’elle est initiée de manière intentionnelle. Elle est aussi répétée.
On constate une asymétrie de pouvoir, même si le joueur dominant n’est pas conscient de l’étendue des dommages causés à la victime.
Il est de la plus grande importance que les adultes soient attentifs. Enseignants et famille doivent s’alerter quand il y a un changement de comportement inexpliqué par d’autres évènements ou une baisse des résultats importante.
Il ne s’agit pas, en général, de simples querelles d’enfants. Il y a une prise de pouvoir d’un individu sur l’autre avec des conséquences dommageables sur la santé physique et psychique de l’enfant agressé.
Agir dans l’école
Une prévention peut être faite à l’école. Les enfants doivent être informés que ces formes de violence sont inadmissibles Il existe des documents qui aident à la mise en place d’actions et à la réflexion à ce sujet[2].
La question peut d’abord être traitée en classe : rappel de la loi ; aide à se mettre à la place de l’autre ; appel au courage : dire non à la violence subie ou constatée.
Agir à l’extérieur
Quand on est sollicité pour conseiller la famille, comme c’est le cas du consultant en éducation[3], il existe plusieurs possibilités :
- Travailler avec l’enfant :
- mobiliser ses capacités à s’affirmer en renforçant son estime de soi ;
- lui apprendre à dire non ;
- à éviter les personnes attaquantes ;
- à créer des alliances ;
- à se donner des recours.
- Travailler avec sa famille :
- pour faire face à l’incrédulité de l’école et des éducateurs, au déni des autres parents ;
- pour protéger leur enfant des représailles, ne pas hésiter à porter plainte, trouver un adulte ressource qui pourra intervenir.
- Rappeler la loi : chaque individu a le droit de ne pas subir d’oppression ni d’humiliation intentionnelle et répétée à l’école et dans la société en général.
À l’école élémentaire, certaines équipes arrivent à prolonger ce climat, mettant l’accent sur la tolérance et l’ouverture à l’autre. Le résultat dépend de la collaboration entre enseignants et parents.ommun devienne difficile, même si les exigences de l’éducation ont plutôt tendance à se renforcer.
[1] Nathalie Goursolas-Bogren : Utiliser l’AT pour comprendre et guérir les effets du harcèlement chez les enfants, AAT n° 134, avril 2010.
[2] Les jeux dangereux et les pratiques violentes, réalisé en avril 2007 par le ministère de l’Éducation nationale.
[3] Le métier de consultant en éducation est un nouveau métier de conseil qui s’adresse aux enfants et aux parents en difficulté passagère pour des problèmes relationnels.