Lecture féministe 7

Soumission des femmes : subie ou choisie ?

Dans son livre « On ne naît pas soumise, on le devient » la philosophe Manon Garcia met ses pas dans ceux de Simone de Beauvoir et pose la question de la soumission des femmes. Je vous propose quelques passages particulièrement  intéressants à propos de la relation des femmes au pouvoir.

La soumission est-elle naturelle ou apprise ? Est-elle forcément subie ou ne peut-elle pas être aussi parfois choisie ? Car certaines femmes choisissent la soumission :  Il y a de la soumission dans le fait de suivre la mode, de s’affamer pour entrer dans une taille 36 ou de prendre en charge l’intégralité de la charge mentale du foyer.  

La domination est une relation

Marion Garcia préfère parler de soumission plutôt que de domination et renverser le point de vue sur le pouvoir. C’est un des points qui m’ont intéressée particulièrement, en complément de l’approche de l’analyste transactionnel Claude Steiner concernant les jeux de pouvoir.

A n’étudier les rapports asymétriques de pouvoir que sous l’angle de la domination, on se prive d’une compréhension globale des rapports de pouvoir, en particulier des rapports de pouvoir asymétriques puisqu’on ne les envisage que d’un seul point de vue, celui du dominant. Etudier la domination comme relation de pouvoir asymétrique nécessite d’interroger les deux extrémités du rapport de domination.

Du côté du dominant cela consiste à se demander comment fonctionne la domination pour celui qui l’exerce.

  • Par exemple on peut se demander ce que cela fait de dominer ;
  • On peut aussi s’interroger sur l’efficacité de la domination en étudiant comment on fait ;
  • On peut aussi se demander ce que c’est que dominer, qui domine à un instant précis, pourquoi ces gens cherchent à dominer.

Mais la question toujours passée sous silence et cependant centrale dans l’analyse de la domination consiste à se demander comment fonctionne la domination pour celui sur qui elle s’exerce.

Analyser la domination c’est procéder à un retournement du regard, ne plus analyser les relations asymétriques depuis la simple perspective de celui qui les impose ou qui les crée, mais depuis la perspective de ceux et celles sur lesquels elles s’exercent. C’est faire l’hypothèse  que comprendre la façon dont la relation fonctionne pour ceux qui l’exercent ne suffit pas à rendre compte de ce qui se passe pour ceux sur qui elle s’exerce. Ne pas se tromper sur le sens du verbe « s’exercer ».

La domination est une relation. On peut faire l’hypothèse que cette relation a un effet sur qui est dominé ou soumis et que celui-ci, n’est, contrairement à ce que la forme verbale laisse entendre, pas absolument passif dans ce processus.

Le cheminement original de Simone de Beauvoir :

Elle est dans une position qui lui permet de donner à voir la soumission et plus généralement l’expérience des femmes. Elle est une femme. Cette qualité est la première qui lui vient à l’esprit quand elle cherche à se définir. C’est pour pouvoir penser ce qu’elle est qu’elle écrit « Le deuxième sexe ».Elle considère que certaines femmes dont elle fait partie sont dans une situation singulière car elles sont femmes et en même temps elles n’ont jamais eu à éprouver leur féminité comme une gêne ou un obstacle » tant et si bien que d’un côté elles connaissent  ce que signifie pour un être humain le fait d’être féminin »  et d’un autre côté, elles ont face à cette question une forme de détachement qui leur permet d’espérer que leur attitude sera objective ». ; elles peuvent s’offrir le luxe de l’impartialité.

La vie ordinaire échappe souvent à la philosophie parce qu’elle semble trop médiocre pour que les philosophes s’y intéressent, mais aussi parce qu’ils sont par leur position sociale à l’abri de cet ordinaire. Les  femmes voient certaines choses que les hommes ne voient pas en raison de la division genrée du travail domestique. Comme les femmes sont préposées au rangement et au nettoyage elles voient les chaussettes sales que les hommes ne remarquent même pas.

En tant que femme, Beauvoir fait apparaître la vie ordinaire dans toute sa complexité depuis les problèmes philosophiques que posent le ménage et la cuisine jusqu’aux enjeux que constituent la menstruation ou la puberté dans l’expérience du corps. Elle distingue chez elle et chez les femmes qui l’entourent les plaisirs du dévouement, de l’abdication. En tant qu’intellectuelle existentialiste pour qui la liberté est la valeur cardinale, elle est scandalisée par le spectacle de la soumission féminine.

Beauvoir propose une phénoménologie de l’expérience vécue de la soumission par toutes les femmes, à tous les âges, dans toutes les situations. Elle met en évidence le caractère généralisé et presqu’universel de la soumission féminine. Le monde dans lequel naissent les humains de sexe féminin est toujours déjà structuré par une norme de la féminité qui est une norme de soumission..

  • Elle décrit la vie des femmes dans sa complexité ce qui n’avait jamais été fait.
  • Elle la décrit telle qu’elles la vivent.
  • Dans Le deuxième sexe, les femmes apparaissent comme une multiplicité de sujets.

Elle s’appuie sur les expériences faites en première personne et elle multiplie les sources de récits à la première personne.

La puberté vécue, du corps à la chair :

Devenir chair se produit pour la jeune fille à travers le choc terrible que constitue pour elle la prise de conscience qu’elle est regardée. Beauvoir cite une femme qui dit « jamais je n’oublierai le choc physique à me voir vue » A partir de la puberté, dans l’espace public, dans la rue mais aussi dans les interactions familiales la jeune fille va comprendre que son corps est sexualisé par le regard des hommes. Alors qu’elle n’attirait pas d’attention particulière elle va se voir vue, examinée, se voir désirée. Son corps est devenu quelque chose qui ne lui appartient plus, qui est non plus son corps à elle, mais un corps de femme c’est-à-dire dans le regard des hommes un objet de désir. Son corps n’est pas son corps mais ce qui la fait apparaître dans le monde comme une proie possible.

Le consentement à la soumission

Il a des causes politiques, sociales et économiques qui proviennent de la domination masculine mais il résulte aussi du plaisir pris à la soumission. Leur conformité aux attentes de l’oppresseur est bien plus largement rétribuée que pour les autres groupes opprimés. Les femmes qui se soumettent consentent à un destin qui leur est assigné à partir d’une sorte de calcul coût/bénéfices dans lequel les délices de la soumission pèsent lourd face aux risques de la liberté.

Dans la société patriarcale,  les hommes et les femmes grandissent  dans un monde organisé par des normes sociales de genre qui prescrivent aux hommes l’indépendance, le courage et aux femmes la sollicitude et la soumission. Plus que la consternante solidarité des agresseurs entre eux, le grand ennemi d’une entente égalitaire entre les sexes qu’il est important d’identifier en nous et chez les autres, c’est le consentement des femmes à leur propre soumission.

Qu’en dites-vous ?

Paris 15 juillet 2022

Je dis non à la solitude

Créer des liens et les entretenir

Présentation du livre par Olivier Montadat (PTSTA O)

« La vie c’est le lien, le lien c’est la vie….

Agnès Le Guernic illustre cette nécessité et les moyens de créer du lien y compris quand c’est difficile pour nous. En effet, dans ce monde très stressant, la tentation de la solitude même si elle douloureuse peut être une « solution » pour certain.es.
En s’appuyant sur des concepts tirés de l’analyse transactionnelle, Agnès Le Guernic permet à chacun.e d’entre nous, que nous soyons « l’honnête homme / femme » ou bien encore professionnels de l’accompagnement, de savoir comment créer et entretenir le lien.
Nous sommes chacun.e responsable de la qualité de nos vie – y compris de sortir de nos solitudes – et ce livre nous permet de mieux assumer cette responsabilité.

Couples en confinement : Bonjour, les jeux psychologiques

Enfin seuls est-ce vraiment intéressant?

De trop peu à trop :

Etre confiné chez soi pendant trois semaines ou plus avec son amoureux ou son amoureuse, son copain, sa copine, son conjoint, sa conjointe ne devrait pas poser de problèmes. Comment l’autre dont la présence nous manquait tant dans la vie antérieure pourrait-il devenir de trop ? Pourtant, rien n’est simple. Nous avons vu que la satisfaction de nos besoins fondamentaux était rendue difficile par la situation de confinement, d’où le risque plus grand de disputes, suite à des conflits entre les besoins de l’un et ceux de l’autre. L’impossibilité de sortir pour se changer les idées va aussi compter : les stratégies habituelles de désescalade dans les disputes ne sont plus disponibles. On parle déjà du nombre de divorces au sortir de la crise tout autant qu’on parle du nombre de naissances dans neuf mois.

 Il importe donc d’identifier les situations à risque. Les problèmes peuvent venir des jeux psychologiques favoris de chacun. Les jeux psychologiques sont des séquences comportementales complémentaires automatiques, apprises dans l’enfance et qui ne sont pas conscientes. Les disputes par lesquelles ils se manifestent peuvent être anodines (premier degré des jeux) ; elles peuvent déboucher sur une rupture (deuxième degré) ou sur la violence (troisième degré). D’où l’intérêt de les repérer afin d’éviter toute escalade. Sinon elles peuvent devenir lourdement dommageables.

Parmi les jeux conjugaux[1], j’ai choisi trois modèles de jeux à deux correspondant à la situation de confinement à deux : celui de « Sans toi », celui de « Ereintée » et celui de « Coïncé ».

 Dans le jeu de « Sans toi », la femme reproche à son mari de l’empêcher de travailler, alors qu’en fait elle a inconsciemment peur du monde extérieur. Elle se plaint auprès de ses amies et passe pour la victime d’un tyran. Lui est terrifié à l’idée de rentrer un jour à la maison et de découvrir qu’elle est partie et qu’il est seul. Les deux personnes ont fait alliance en secret entre leurs états du moi Enfant.

Berne, en homme de son époque, nous propose le dialogue suivant au niveau social :

–      Reste à la maison et occupe toi du ménage

–      Sans toi j’aurais pu faire une carrière de concertiste

Avec, au niveau caché, un échange différent :

–      Tu dois toujours être à la maison quand j’y rentre. Je suis terrifié à l’idée que tu puisses m’abandonner

–      Je resterai à la maison si tu m’aides à éviter les situations dont j’ai peur ;

La femme a donc épousé un homme autoritaire de façon à ce qu’il restreigne ses activités à elle, lui évitant de se mettre dans des situations qui l’effraient. Au lieu de lui manifester sa reconnaissance, elle se plaint des limitations, ce qui met son conjoint mal à l’aise. Son avantage est qu’elle peut jouer à « sans lui » avec ses amies. La femme rejette en fait sur son mari la responsabilité du choix qu’elle a fait en l’épousant. : « Ah si je ne t’avais pas épousé, je n’aurais pas renoncé à mon métier pour toi, je pourrais sortir et m’amuser au lieu d’être cloitrée dans ma cuisine ! » Il faut que le partenaire partage un peu de la culpabilité pour que ça marche. Le jeu est caractérisé par la mauvaise foi. En général les couples s’apparient pour des raisons de complémentarité, chacun entrant inconsciemment dans le jeu favori de l’autre. Le mari peut être aussi dans le rôle de la victime qui se plaint. Nous ne sommes plus à l’époque de Berne ! A notre époque où nous sommes devenus sensibles à l’influence du fonctionnement resté patriarcal de la société, nous pouvons imaginer la situation inverse. Que de personnes talentueuses certes, mais effrayées par l’idée de ce qu’elles devraient entreprendre si elles devaient réaliser leurs ambitions, se plaignent d’avoir un conjoint ou une conjointe autoritaire, qui les empêche de faire ce qu’elles n’osent pas faire. Cela leur permet de jouer à « Sans lui, Sans elle, Sans les enfants, Sans… »que ne ferais-je pas?

Le jeu de « Coïncé » consiste à refuser avec hypocrisie de donner à l’autre ce qu’il veut et de faire comme si on l’ignorait. Voici la situation décrite par Berne : Madame Leblanc propose à monsieur Leblanc d’aller au cinéma. En général quand ils vont au cinéma ils font l’amour au retour. Mais cette fois une dispute éclate à propos de l’argent qu’il faudrait avoir pour repeindre la maison. Le résultat final c’est que Monsieur Leblanc claque la porte et va seul au cinéma et que sa femme se retrouve pleine de rancune. Au retour, il sera privé de sexe, mais elle aussi. La femme souhaite être « cajolée » selon le terme de Berne. Le mari voudrait qu’on reconnaisse son héroïsme pour subvenir aux besoins du ménage. Elle voudrait des caresses physiques ; lui des signes d’admiration. Chacun refuse de donner à l’autre ce qu’il espère, pour une raison quelconque.

Berne dit que la plupart des jeux conjugaux sont destinés à éviter l’intimité. En période de confinement, le choix d’un film à regarder ensemble peut faire l’affaire. Les corvées ménagères mal réparties jouant le rôle de l’argent qu’on n’a pas pour repeindre la maison. Les sources de frustrations nombreuses sont autant d’occasions pour hameçonner son (ou sa) partenaire.

Le jeu de « Ereintée » concerne les femmes surchargées de tâches, les ménagères qui font face à tout et sont bonnes pour le burn-out. Ces femmes se marient, dit Berne , avec le fantasme que leur mari a de sa propre mère qui faisait soi-disant tout parfaitement. Elles n’arrivent pas à renoncer à être parfaites ou à passer pour telles. Les conditions de vie modernes mettent les femmes plus en danger que les hommes. Il arrive que le mari tienne la maison quand sa femme travaille, mais est-il si fréquent qu’il le fasse en plus de son activité professionnelle ?

Les disputes de premier niveau réclament quelques remèdes de base : repérer les besoins de l’un et de l’autre, négocier la répartition de l’espace, du temps, se donner des signaux d’alerte, ne pas oublier de se dire des choses gentilles (signes de reconnaissance) qui mettent de l’huile dans les rouages, chercher le plus possible à obtenir le consentement de l’autre. C’est un fonctionnement démocratique. On peut parler de contrat.

Dans le cas du jeu « Sans toi », il faut aller plus loin, connaître ses faiblesses et accepter de prendre la responsabilité de ses choix de vie. Le jeu de « Coïncé » réclame aussi d’être honnête avec soi-même et avec l’autre : chacun connaît les points faibles de l’autre. S’abstenir d’appuyer sur ces points faibles est un bon moyen de renforcer alliance. Quant au jeu « Ereintée », je vous invite à écouter les féministes qui luttent contre le poids des préjugés de genre proposés aux filles dès leur enfance. Elles nous disent que nous n’avons pas à prendre tout sur nos épaules, que nous devons partager les tâches ménagères de façon à ne pas nous sentir éreintées au point de tomber malades.

La négociation et la bonne humeur nous donnent une chance d’éviter d’escalader dans les jeux et de mieux nous aimer. Dans le cas contraire, les couples au sortir de la période de confinement auront accumulé la rancune et se sépareront ou pire auront escaladé jusqu’à la violence contre l’autre et /ou contre soi.

[1] Eric Berne : Des jeux et des hommes, Psychologie des relations humaines, New York 1964,  Edition en français : Stock 1975Haut du formulaireBas du formulaire

Lecture féministe N° 6

Cette fois, je vous propose de relire un des ouvrages fondamentaux de l’analyse transactionnelle : Des scénarios et des hommes , de Claude Steiner et en particulier les chapitres 13 et 14 écrits par Hogie Wickoff intitulés : Scénarios des rôles sexuels masculins et féminins et Scénarios banals féminins. J’en reprendrai les passages qui m’ont le plus frappée.L’existence des rôles sexuels est un phénomène culturel très ancien dont on peut trouver des exemples dans les déesses de la mythologie grecque : Athéna est le prototype de La femme à l’ombre de l’homme, Héra est la Mamma et Aphrodite est La femme frivole.Un certain nombre de scénarios de femmes montrent comment les femmes ont été entraînées à vivre avec l’idée qu’elles étaient incomplètes, inadéquates et dépendantes et comment elles ont pu accepter cette mystification.Dans le chapitre 14, Hogie Wickoff énumère et décrit un certain nombre de scénarios féminins facilement discernables. – La Mamma ou la femme à l’ombre de la famille. – La femme frivole- La femme à l‘ombre de l’homme- Pauvre de moi- La belle incomprise- Infirmière- La grosse dame- Enseignante- Sorcière batailleuse- La dame de fer- La reine de la ruche.La Mamma, par exemple, passe sa vie à nourrir les autres et à prendre soin de tout le monde à l’exception d’elle-même. Elle croit qu’elle est la personne la moins importante de la famille et que sa valeur ne se mesure que par la quantité de ce qu’elle peut donner aux autres ce qui explique qu’elle en redemande. Encore jeune femme, elle a décidé qu’elle préférait être une bonne épouse et une bonne mère plutôt que de poursuivre sa carrière et de relever le défi de l’indépendance. Ses jeux psychologiques sont : « Ereintée », « Femme frigide » et « Regarde comme j’ai essayé ».

Hogie Wickoff nous dit que ces deux premiers jeux relèvent d’un préjugé sexiste de Berne et qu’elle aurait aimé en discuter avec lui. Ce dialogue a été empêché par sa mort . C’est aussi mon opinion. En effet, le jeu psychologique dénommé « Ereintée » est l’un des jeux conjugaux présentés par Berne dans Des Jeux et des hommes. Il consiste pour la femme à accepter tous les rôles, toutes les tâches et à tomber malade. La ménagère a choisi un mari qui la critiquera si elle ne se montre pas aussi efficace que ne l’était – croit-il-, sa mère à lui. Elle est donc en compétition avec la mère de son mari qui faisait tout parfaitement. Berne méconnaît visiblement la charge que représente le soin de la famille. Quand il écrit que « si elle est capable de modérer son allure, de se contenter d’aimer son mari et ses enfants, elle ne sera pas simple servante : elle jouira de ses vingt-cinq ans et se sentira bien seule quand son dernier-né partira pour le collège », le préjugé sexiste est évident. C’est même bien arrogant de sa part si la traduction est fidèle. En arrière-plan, le problème du partage des tâches ménagères, toujours à refaire, aggravé quand la femme travaille aussi à l’extérieur. L’autre jeu c’est la femme frigide et les disputes autour de la place du sexe dans la vie conjugale avec l’excuse : « Je suis fatiguée ». Les hommes ont comme les femmes un certain nombre de scénarios stéréotypés qu’ils choisissent comme plan de vie. A un certain style de vie chez l’homme correspond un autre style de vie chez la femme. Le coup de foudre serait la rencontre de deux scénarios complémentaires.Voici quelques scénarios banals masculins :- Super-Papa- L’homme qui cache la femme- Playboy- Monsieur Muscle- Intellectuel- Le bourreau des femmes.

Le sexisme est le premier des trois ennemis de l’Amour, les deux autres étant le Jeu de Sauvetage et les Jeux de pouvoir. C’est un préjugé basé sur le sexe de la personne qui présuppose (mais pas toujours) une suprématie du mâle. Hommes et femmes reçoivent des injonctions et des attributions qui les contraignent à endosser des rôles sexuels nuisibles et opprimants pour les deux sexes bien qu’ils soient plus opprimants pour les femmes que pour les hommes. Les scénarios générés par ces rôle sexuels empêchent les hommes et les femmes d’affirmer leur pleine puissance, de trouver l’intimité et de travailler ensemble.Claude Steiner affirme clairement être un féministe engagé. Les hommes , dit-il, ont besoin des femmes pour le compagnonnage, l’amitié, les caresses, l’amour et comme partenaires de travail ; et ces besoins ne peuvent pas être satisfaits de façon durable par des femmes dominées, passives, esclaves ou en colère. Vous qui avez choisi de lire ce texte, seriez -vous intéressés par des échanges avec moi sur le thème du féminisme et de l’analyse transactionnelle ? Si c’est le cas contactez-moi sur facebook, messenger ou LinkedIn.

Lecture féministe n° 5

Dans « Troubles dans le consentement, du désir partagé au viol » (Editions François Bourin) Alexia Boucherie a pour projet d’ouvrir la boite noire des relations sexuelles.

Après une introduction où elle affirme que le consentement sexuel est une pratique qui s’apprend,  à partir de ses enquêtes de terrain, l’auteur aborde  successivement :

  • L’ordre sexuel et ses normes
  • La fabrique des zones grises de la sexualité
  • « Je n’en avais pas envie, mais.. »
  • Apprentissages de la sexualité en hétéronormativité
  • Recevoir et produire de la violence : interpréter le viol
  • Quand l’intime devient politique : résister à l’hétéronormativité

J’ai choisi de sélectionner quelques passages qui m’ont paru particulièrement intéressants dès  qu’on réfléchit aux conditions d’une éducation sexuelle adaptée à notre époque et qu’on aborde les problèmes de violences sexuelles.

Elle donne d’abord une définition philosophique du consentement  : « Un acte par lequel quelqu’un donne à une décision dont un autre a eu l’initiative l’adhésion personnelle nécessaire pour passer à l’exécution ». On peut ainsi situer le consentement par rapport à la demande ou à la proposition : celui ou celle qui donne son consentement ne fait aucune demande. Il ou elle n’a pas l’initiative.

Autre opposition : une relation sexuelle consentie d’une qui ne l’est pas. On distingue ce qui relève de la sexualité de ce qui relève du viol.

Quelle est la légitimité à disposer du corps d’autrui ? Qu’entend-on par viol ?

Le viol, jusqu’en 1980 où la loi change, désigne un coït illicite avec une femme dont on sait qu’elle n’est pas consentante. Ensuite on admet que toute personne peut être violée et pas seulement des femmes. Un élément le caractérise :  la pénétration. L’acte de viol est cadré légalement mais pas la notion de consentement sexuel. On parle seulement de non-consentement (contrainte)

L’auteure insiste sur les conditions du consentement qui permettent d’écarter le soupçon de viol :

  • Le contexte avec la place de la liberté de chacun qui diffère selon les époques. On constate ainsi une remise à niveau des questions concernant le consentement à partir de la fin du 20ème siècle. Auparavant le corps des femmes était la propriété des hommes de la famille.
  • Le consentement peut être libre ou forcé (le oui est entre le choix et la contrainte).
  • Il doit être éclairé (dans le domaine médical et juridique, l’initiatrice du contrat doit dévoiler les composantes de l’acte).
  • Il doit être énoncé, exprimé d’où l’absence de doute.

En quoi notre pratique routinière des relations sexuelles supposées libres et éclairées est-elle troublée par les rapports de pouvoir inhérentes à un apprentissage genré du consentement ?

A l’heure où l’on prône l’égalité pour toutes pourquoi cette question du consentement est-elle si compliquée à mettre en œuvre ?

Le but de son enquête : éclaircir ce qui se trouve entre le sexe consenti et le désir, celui qui est consenti mais qui est non désiré (zone grise) et celui qui ne l’est pas (le viol).

Comment chez les individues se fait l’apprentissage des limites et des envies et le respect ou la transgression des limites dans un cadre de relations non viciées.

Les relations sexuelles les plus quotidiennes sont des lieux où s’exercent les rapports de pouvoir, d’où la nécessité de prendre en compte le contexte de la relation car nous exerçons ou subissons toutes des rapports de pouvoir dans une situation donnée en fonction des membres présentes en interaction qui influencent nos actions

On peut être critique face aux discours qui considèrent que

  • Le consentement est la traduction directe d’une envie et/ou d’un désir sexuel ;
  • Que chacun est en capacité libre et éclairée de dire oui ou non et de le verbaliser/ le montrer explicitement
  • Que les viols sont les seules relations sexuelles forcées
  • Et que toutes les autres sont- par opposition – les seules dénuées de rapports de pouvoir

La grille de lecture du genre rend compte du fait que le viol est favorisé par les rapports sociaux de sexe asymétriques. Il bénéficie d’un ancrage culturel par lequel il se perpétue que les féminismes militantistes appellent « culture du viol », les violeurs étant des hommes proches (famille, amis, voisinage).

Sexe et obligation :

Si les hommes hétérosexuels considèrent que leurs pratiques sont guidées quasi exclusivement par leurs envies, les femmes sont quant à elles plus conscientes de l’obligation que peut représenter le rapport sexuel dans leurs relations affectives et choisissent de s’y conformer ou non. Cela n’indique pas que les hommes sont entièrement libres mais les techniques de rationalisation divergent selon les positions sociales des individues au sein de la matrice hétérosexuelle.

Elles pouvaient dire non mais elles ont dit oui aux préliminaires, ce qui a laissé entrevoir qu’elles désiraient cette relation. Ce type d’argument persiste jusque dans les procès pour agressions sexuelles et viols. C’est la zone grise par conformité.

Le livre contient des extraits d’entretiens qui illustrent les différents points de l’enquête.