Nous connaissons tous des dilemmes, quand nous sommes partagés entre nos besoins et nos obligations, nos désirs et nos valeurs; en termes d’AT notre Enfant et notre Parent par exemple. C’est le vas typique du conflit cornélien : “Faut-il laisser un affront impuni? » (honneur, système de valeurs des aristocrates) ou « Faut-il punir le père de Chimène” (peur de perdre l’amour, source de joie et de plaisir)
Les impasses en AT :
Le mot dit bien ce qu’il veut dire, le fait d’être bloqué entre deux forces égales et de n’avoir pas de possibilité d’avancer.
Chaque type d’impasse (il y en a trois) se traite d’une manière différente.
- l’impasse du premier degré, dite impasse d’autorité : Elle concerne P2 ET E2. Les messages contraires viennent du Parent et de l’Enfant et l’Adulte ne sait que faire. Ils sont activés ici et maintenant sous l’influence d’une situation difficile mais sans forcément implication émotionnelle. Je citerai l’exemple donné par Watzlawick dans “Changements”(page 101) :
Lors d’une émeute parisienne au 19ème siècle, un officier reçut l’ordre de faire évacuer une place en tirant sur la “canaille”. Il ordonna à ses soldats de prendre position en mettant la foule en joue. A ce moment-là tandis qu’un grand silence se faisait, il sortit son épée et s’écria: “Mesdames, Messieurs, j’ai reçu l’ordre de tirer sur la canaille. Mais comme je vois devant moi beaucoup de citoyens honnêtes et respectables, je leur demande de partir pour que je puisse faire titrer sans risque sur la canaille”. La place fut vidée en quelques minutes.
- L’impasse du deuxième degré, dite l’impasse de survie, concerne des messages anciens inscrits dans le scénario de la personne et qui la bloquent. C’est le cas lorsqu’une personne a la possibilité concrète de réaliser un rêve et qu’elle sabote cette réalisation sous l’influence d’une injonction : “Ne réussis pas”. L’impasse se situe entre P1 et E1. L’injonction inscrite dans E1 s’oppose par exemple à un message inscrit dans P1 du type “Tu es OK si tu fais honneur à tes parents en travaillant dur”. La personne a travaillé dur, elle va pouvoir souffler un peu, mais elle tombe malade ou a un problème.
Certains enfants peuvent se trouver coincés entre le message : “Intègre-toi” et le message “Ne nous dépasse pas, ne trahis pas les tiens”. C’est pourquoi certains enfants ne s’autorisant pas à dépasser leurs parents analphabètes, n’acquièrent pas la lecture, ce qui désespère les parents. J’ai vu une situation se débloquer quand le père a appris à lire. Face à ce conflit interne les choix faits par les personnes peuvent être différents : on peut décider de s’intégrer pour certaines choses et pas pour d’autres et de dépasser ses parents dans les domaines jugés moins importants. Il y a implication émotionnelle dans l’impasse du deuxième degré à l’inverse de celle du premier degré. C’est pourquoi ces situations se travaillent en thérapie.
- L’impasse du troisième degré dite impasse d’identité, se situe entre l’Enfant Libre et l’Enfant Adapté : Fille ou garçon, du côté de ma mère ou du côté de mon père, avec ce besoin qui est le mien ou qui appartient à ma mère. Sont concernées par l’impasse d’identité les personnes dont la mère pendant la gestation a vécu des situations traumatisantes (bombardements, stress suite à un deuil) et qui sont handicapées par des émotions sans rapport avec la réalité. sont concernés aussi les enfants métis, dont on dit parfois qu’ils ne savent pas qui ils sont. Ils ont comme chacun de nous mais de manière plus visible et plus douloureuse à faire le choix de ce qu’ils veulent être.
Dilemmes et analyse structurale :
Les dilemmes s’expliquent par la manière dont nous avons intégré ou non les messages que nous avons reçus dans notre enfance et notre adolescence et que nous véhiculons ensuite comme père et mère de famille. Ces messages sont parfois en opposition.
Dans notre Parent se trouve notre héritage culturel et familial ainsi que l’héritage idéologique.
Une personne qui a enregistré dans son Parent la manière dont on doit procéder dans telle et telle circonstance, comment on doit élever ses enfants, se comporter en société, les métiers qui conviennent à un homme, à une femme ETC…peut se trouver en conflit entre ses deux cultures, celle de son père et celle de sa mère.
L’opposition peut se situer aussi entre la manière de se comporter de ses parents en famille et celle du milieu extérieur dans la société où ils vivent, comme c’est le cas des enfants d’immigrés. Les adultes sont sous l’influence de ces enregistrements qui conditionnent leurs choix et leur posent problème quand ils s’opposent.
Des valeurs opposées concernant le rôle de l’école coexistent entre enseignants mais aussi à l’intérieur de chaque enseignant : l’école est-elle faite pour épanouir les enfants ou pour leur permettre de s’adapter au monde extérieur, ce qui se traduit par l’opposition : culture générale/ boulot à la sortie, épanouissement/adaptation.
Par rapport à la violence physique, on peut envoyer à son fils confronté à des agressions les messages simultanés :” reste dans ton droit et ne te bagarre pas”. Derrière le message “Ne te bagarre pas”, il y peut y avoir la peur de l’accident mortel, idée qu’on s’est faite ou qu’on a reçue de ses propres parents que le monde est dangereux. Une autre mère ou un autre père dira : “Si on t’attaque, réplique et fais toi respecter au besoin par les coups!”
Dans notre Enfant, nous avons enregistré des messages contradictoires de ce type, par rapport à la réussite, à la santé aux représentations de la famille :”dans notre famille on est intelligent, on est des manuels, on sait faire avec l’argent..” Tu as le droit à la réussite, la santé, l’amour.. Mais on a peut-être entendu aussi les craintes des parents : “ si tu montes socialement tu nous abandonneras! tu nous mépriseras” ou leurs menaces : “tu ne peux pas être une fille et choisir un métier, sinon gare!” . Ces messages opposés peuvent venir l’un du père, l’autre de la mère.
Au niveau de nos désirs et de nos besoins, les conflits internes sont nombreux, en particulier concernant l’amour et le pouvoir ou l’influence. Dans la vie quotidienne, on dit parfois qu’on veut le beurre et l’argent du beurre. Watzlawick l’illustre de manière intéressante en citant le conte de “La femme de Bath” de Chaucer (Contes de Canterbury). Ce conte pose la question de ce que veulent les femmes. La réponse est qu’elles ne veulent pas choisir entre l’amour de leur amant et sa fidélité. En revanche elles veulent rester libres. On peut ajouter qu’elles ne veulent pas choisir entre l’amour et le pouvoir, les enfants et la profession. La plupart de nos dilemmes sont tels.
Nous cherchons à en sortir en conciliant les contraires de manière créative si possible. C’était le cas de l’officier partagé entre ses scrupules et l’ordre de ses supérieurs.
Alors que le travail sur les impasses se fait en thérapie et aboutit normalement à une redécision, il est possible cependant d’aborder ces conflits internes : exploration de ses valeurs ou de ses désirs contradictoires en restant dans l’ici et maintenant (travail de 2 ou 3 chaises, travail sur les différentes parties du moi en PNL).