Communication interpersonnelle et intervention en situation de crise

 Le modèle d’analyse de la communication proposé par l’école de Palo-Alto et celui de l’analyse transactionnelle sont différents, compatibles et complémentaires. Je trouve de l’intérêt au modèle de l’école de Palo Alto dès qu’on aborde les relations sociales, même si dans l’analyse fine de la communication interpersonnelle, l’analyse transactionnelle me paraît irremplaçable. Je vais détailler quelques points de comparaison où les deux théories s’enrichissent l’une l’autre concernant :

  • l’analyse de la communication humaine
  • les modalités de l’intervention en situation de crise.

L’analyse de la communication humaine :

Les cinq propriétés de la communication décrites par Watzlawick  sont les suivantes :

1-  On ne peut pas ne pas communiquer.2 – Toute communication présente 2 aspects : le contenu et la relation, tels que le second englobe le premier et par suite est une métacommunication.

3 – La nature d’une relation dépend de la ponctuation des séquences entre les partenaires.

4  –  Les êtres humains usent de deux modes de communication : digital et analogique. Le langage digital possède une syntaxe logique très complexe et très commode mais manque d’une sémantique appropriée à la relation. Par contre le langage analogique possède bien la sémantique , mais non la syntaxe appropriée à une définition non équivoque de la nature des relations.

5 – Tout échange de communication est symétrique ou complémentaire, selon qu’il se fonde sur l’égalité ou la différence.

1 – Interactions et transactions :

Ces deux notions sont différentes. Watzlawick avec la notion d’interaction  insiste sur le système relationnel et sur la notion de rétroaction. Nous sommes dans un flux de communication, celle que nous envoyons et celle que nous recevons. Celle que nous recevons influence celle que nous envoyons. Il y a ajustement perpétuel. C’est pourquoi on ne peut pas ne pas communiquer.

Berne dans sa réflexion sur l’intuition prend en compte ce décodage automatique d’informations dont nous n’avons pas une conscience claire. En revanche, dans l’étude des transactions, il insiste sur les éléments observables de la communication : signes de reconnaissance, éléments du discours et du non verbal permettant d’identifier l’état du moi investi par les interlocuteurs. Il se place alors dans le cadre d’une causalité de type linéaire : une cause , un effet qui devient cause d’un autre effet. En changeant la cause, c’est à dire en changeant d’état du moi on rend possible un effet différent. En donnant des signes de reconnaissance, on modifie les conditions de la communication. On peut donc agir sur l’échange dès qu’on a la conscience de ce qu’on dit et qu’on montre. Toutefois, la part de l’autre, de ses choix reste entière. Par ailleurs, Berne prend en compte la part non consciente de la communication avec le niveau « psychologique » des transactions.

Les quatre grands types de relation : relation symbiotique, parasitage, jeu psychologique et jeu de pouvoir déclinent quatre sortes d’interactions qui ont chacune des types de transactions particulières.

2 – Contenu/processus et contenu/définition de la relation :

Pour Palo-Alto, les positions de chacun dans la relation sont liées à la perception de soi-même et de l’autre dans la relation : je me sens supérieur (en position haute), inférieur (en position basse) ou égal. Aucune connotation de valeur ne doit être associée à ces notions. Le mécanisme importe seul. La position des partenaires l’un par rapport à l’autre peut être complémentaire (elle est dans ce cas fondée sur la différence) ou symétrique (elle est dans ce cas fondée sur la ressemblance).

La pathologie est liée à la rigidité en cas de relation complémentaire (personne ne bouge, la souplesse manque)  et à la compétition en cas de relation symétrique (vouloir à tout prix la même position que l’autre). Le désaccord sur la position de chacun dans la relation est source de nombreux conflits.

Rien ne précise sur quoi repose  le sentiment d’être supérieur, inférieur ou égal : la raison peut en être la taille, le poids, la beauté, l’élégance, le sexe, la classe sociale, le pouvoir, la place dans la hiérarchie sociale ou le sentiment de sa valeur. La référence est l’éthologie et la notion de dominant/dominé telle qu’on peut l’observer chez les animaux. Les mécanismes de complémentarité et de compétition s’observe tous les jours dans les relations sociales.

Ces mécanismes sont décrits par l’analyse transactionnelle avec la relation de type symbiotique, le parasitage, les jeux psychologiques et les jeux de pouvoir. Ils sont expliqués par la position de vie de chacun, la recherche de signes de reconnaissance, la répétition des relations installées dans l’enfance ou l’imitation des modèles parentaux. Ces éléments qui appartiennent au domaine intra-psychique permettent des développements très riches. Watzlawick est le premier à signaler l’apport d’Eric Berne concernant les désaccords sur la définition de la relation (Une logique de la communication page 85). Les relations complémentaires se traduiront par des transactions parallèles, les relations compétitives par des transactions croisées et les coups de théâtre dans les Jeux.

La troisième propriété de la communication concerne la ponctuation de la séquence des faits. C’est une autre manière de décrire un jeu psychologique : chacun collabore au jeu, mais attribue à l’autre la responsabilité de la situation, ce qui alimente le jeu. Il y a désaccord sur la relation.

3 – Les modes de communication  digital et analogique :

Les deux théories accordent une importance capitale aux deux niveaux de communication qui sont le verbal et le non-verbal, ce dernier comprenant le para-verbal. Les mots sont importants, mais encore plus le ton, le rythme de la parole, les effets patoisants ou le langage bébé ; les mimiques, les postures. Le niveau psychologique des transactions se lit dans l’analogique. Les transactions à double fond correspondent à des messages où l’analogique et le digital divergent. C’est le niveau caché qui détermine l’issue de la relation.

4 – Intérêt de la théorie systémique en complément de l’analyse transactionnelle :

La notion de définition de la relation et celle de position dans la relation sont utiles pour l’analyse des relations de la vie sociale.

Les transactions se comprennent mieux quand elles sont situées dans une relation : transactions parallèles en cas d’accord sur la position de chacun, transactions croisées en cas de désaccord et dans ce cas réorientation de l’échange.

Quand la fonction sociale donne la position haute ou basse et que la position personnelle de l’individu est en décalage avec elle, il y a problème. Un dentiste peut-il se permettre de s’approcher de son client en tenant la roulette de manière maladroite ? Un père ou une mère peuvent-ils montrer des hésitations sur l’heure de retour à la maison de leur enfant après une soirée. Un accusé arrogant peut-il obtenir l’indulgence du tribunal ? L’analogique est décodé immédiatement. Les dilemmes des partenaires sont vite perçus et utilisés. Les transactions à double fond permettent de diagrammer ces divergences.

Les modalités d’intervention en situation de crise :

1 – Le rôle de la connotation positive dans la résolution des problèmes :

Dans un système, le changement est facilité par la rétroaction positive et l’homéostasie, c’est à dire le maintien en l’état, par la rétroaction négative. C’est pourquoi les systématiciens soulignent la « bonne intention » des acteurs dans le fonctionnement du système familial ou organisationnel.

Pour eux, le changement est inévitable car nous sommes dans le temps, mais à certains moments–clés du déroulement de notre vie et de notre histoire les problèmes surgissent : mise en couple, naissance des enfants, départ des enfants, cessation d’activité, maladie, changement de cadre de vie, perte de ressources, décès prématurés sont des moments où des problèmes peuvent s’installer et les efforts pour les résoudre sont souvent à l’origine de nouveaux problèmes. L’aide consiste à donner un coup de pouce pour que la vie reprenne son cours normal. Le point commun avec l’A.T., c’est la vision positive et dynamique. L’intervenant fait alliance avec les personnes en difficulté et obtient leur coopération. Il le peut s’il est dans une position d’Okness en A.T. et s’il utilise bien le recadrage en analyse systémique. Mais pour le reste, tout est différent.

2 – La nature de l’intervention : le rôle de la conscience :

 Watzlawick  affirme avec force que la prise de conscience ne joue aucun rôle dans la résolution d’un problème. Et pour cause ! les modalités d’intervention sont complètement différentes.

  • Les exemples qu’il cite dans ses ouvrages nous montrent que l’intervenant, au terme d’une investigation serrée, se fait une certaine idée du problème. Il fait une préconisation sous forme d’intervention paradoxale. Le client l’applique et le problème disparaît. Le client oublie même qu’il a eu ce problème. Il n’a rien eu à comprendre ni à apprendre.
  • L’analyste transactionnel est dans une démarche inverse : il vise la prise de conscience, l’autonomie et l’apprentissage. Le moyen en est la méthode contractuelle et la stimulation de l’Adulte.

La limite de l’analyse systémique est l’abus de pouvoir toujours possible, lié à l’incompétence ou à l’absence d’éthique. L’aveuglement personnel de l’intervenant insuffisamment formé peut faire plus de dégâts. Se souvenir que l’école de Palo-Alto est très influencée par Milton Erikson. La qualité de l’intervenant est donc essentielle.

La limite de l’analyse transactionnelle est que la méthode contractuelle suppose le volontariat. C’est le client qui peut décider de se remettre en question, de changer, de s’engager dans une démarche et même de se retirer si l’intervenant lui paraît se fourvoyer. Un responsable fonctionnant dans une organisation n’a pas avec l’A.T. d’outil théorique pour penser un problème lié au fonctionnement du système et pour intervenir auprès de gens qui n’ont aucune intention de remettre en cause leurs méthodes et leurs comportements. Cela, l’analyse systémique le leur donne. En revanche, si le problème est plus facilement résolu dans l’immédiat, il se reproduira car il n’y a pas d’apprentissage.

J’évoque dans l’atelier ce type de situation que j’ai eu à régler dans ma profession.

Conclusion :

Les partis pris de chaque démarche sont différents, parfois complètement opposés. Le développement du coaching nous invite à poser la question des méthodes : analyse systémique et analyse transactionnelle ont un rôle différent à jouer. Je crois utile de pratiquer les deux, en fonction des situations et de prendre en compte les limites et éventuellement les risques de chaque approche. Nous sommes là au cœur des rapports entre la compétence, l’efficacité, l’influence et l’éthique.

 

 

 

 

 

 

 

 

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