On pourrait penser que la persécution s’exerce exclusivement depuis certains adultes sur certains enfants et que les enfants fonctionnent toujours bien entre eux. En fait, le phénomène de harcèlement scolaire se caractérise par des attaques répétées venant d’un enfant sur un autre enfant, perçu comme faible ou simplement vulnérable, avec la complicité du groupe.
On peut aborder ce sujet de plusieurs manières,
- soit en observant comment le phénomène de persécution se met en place,
- soit en l’abordant du point de vue de la victime et en cherchant comment l’aider à guérir du traumatisme qu’elle a subi, car c’est la pire manière pour un être humain d’inaugurer sa vie en relations avec les autres.
Ralf Breiter, travailleur social en Allemagne, lors d’un atelier du congrès de 2011 de l’association allemande d’analyse transactionnelle[1], a décrit l’installation d’un phénomène de harcèlement à l’école en trois phases :
- La phase de test : l’attaquant cherche une victime qui se laisse faire. Plusieurs victimes potentielles sont testées. Dans une société où la compétition joue beaucoup, certains enfants testent leur pouvoir sur leurs pairs, faute d’en avoir sur les adultes. Ils peuvent aussi reproduire les stratégies de domination observées à la maison et dans leur entourage. Ils choisissent leurs victimes pour diverses raisons : les différences physiques ou le fait de lever le doigt en classe pour être interrogé par le maître. Les moyens d’intimidation sont la violence physique ouverte ou sournoise (par exemple donner un croche-pieds pour faire tomber l’autre), les moqueries, les surnoms, les plaisanteries douteuses. Cette première phase n’est pas perçue par les autres enfants.
- La consolidation : plusieurs enfants s’associent aux coups et aux moqueries. Dans un groupe, il y aurait 9% d’attaquants, 11% de victimes (dont 3 à 4% gravement atteintes). Le reste est composé de spectateurs (13%), de complices (9%), d’indifférents (24%), d’opposants (20%),14% d’enfants ne jouant aucun rôle.
- La manifestation du harcèlement : Tout le groupe suit l’attaquant, l’imite ou se tait. Dans le harcèlement scolaire, la violence physique est généralement présente. Elle doit être prise au sérieux, ainsi que les attaques verbales répétées visant à humilier la victime. L’intention est de blesser.
Ce genre de drame peut échapper à l’attention des adultes. Les enfants qui osent se plaindre se heurtent à leur incrédulité et aux tentatives visant à minimiser la gravité des actes dont ils sont victimes. Ces enfants sont souvent isolés. On leur conseille de se faire des amis alors que la persécution a pour résultat de les séparer de leurs amis et de les conduire au repli sur soi. Ils ne trouvent personne pour les protéger.
Comment intervenir ?
Il est important d’observer attentivement le groupe, d’analyser ce qui se passe et de repérer les comportements violents. Certains films documentaires nous apprennent qu’il y a beaucoup à voir dans une cour de récréation[2].
Quand on a repéré une persécution exercée sur un enfant par un autre enfant, protéger la victime en éloignant le harceleur et la soutenir de manière nourricière ; envisager une aide psychologique pour l’aider à se reconstruire.
Mettre des mots sur ce qui se passe entre les enfants ; confronter les personnes. Il faut travailler avec toute la classe, élèves et adultes qui s’en occupent, car tous sont concernés. Le but est de donner sens aux rapports de respect et de coopération que l’on veut promouvoir.
L’école est un lieu où l’on apprend à vivre avec les autres. Certains comportements sont interdits, comme
- de forcer quelqu’un à faire quelque chose qu’il ne veut pas faire,
- ou d’empêcher quelqu’un de faire ce qu’il veut faire, sauf s’il s’agit bien sûr de l’empêcher de se blesser ou de se faire du mal.
Les moqueries, les mensonges, les surnoms qui ridiculisent l’autre, les rumeurs, les messages méchants si faciles à envoyer par facebook, doivent être dénoncés comme des persécutions inacceptables et corrigés avec fermeté. Dans ces échanges ne pas attaquer les personnes, mais insister sur les comportements. Mettre en place des moments de régulation où l’on apprend à s’écouter, instaurer des contrats de groupe pour établir des règles de vie en commun plus satisfaisantes et des contrats individuels de réussite.
Enfin apprendre aux enfants qu’ils ont le droit de dire NON à ce qui ne leur convient pas et STOP à ceux qui les agressent.
Ce sont souvent les enfants trop gentils qui subissent les attaques et le harcèlement. En faisant cela, on protège aussi les enfants harceleurs contre eux-mêmes en les invitant à dépasser leurs frustrations et leurs tentations de violence. L’éducation, c’est aussi cela !
Ne pas oublier les parents !
Je me souviens d’avoir gérer ce genre de situation au niveau des enfants mais également au niveau des parents, m’a expliqué une collègue . Les parents des victimes harcelaient les parents des « harceleurs » : appels téléphoniques, menaces de porter plainte. Il y avait à prendre soin des enfants et des parents.
Paris, Mai 2011
Merci Agnès
Précieuses infos car je commence à préparer une intervention possible en primaire ou secondaire à Narbonne dans le cadre de l’éducation aux Droits Humains portée par Amnesty International…
Bien à toi
Merci, Chantal de ton retour. J’y ai ajouté un extrait d’un livre que j’ai co-écrit avec deux collègues : Un élève est aussi un enfant