Je dis non à la solitude

Créer des liens et les entretenir

Présentation du livre par Olivier Montadat (PTSTA O)

« La vie c’est le lien, le lien c’est la vie….

Agnès Le Guernic illustre cette nécessité et les moyens de créer du lien y compris quand c’est difficile pour nous. En effet, dans ce monde très stressant, la tentation de la solitude même si elle douloureuse peut être une « solution » pour certain.es.
En s’appuyant sur des concepts tirés de l’analyse transactionnelle, Agnès Le Guernic permet à chacun.e d’entre nous, que nous soyons « l’honnête homme / femme » ou bien encore professionnels de l’accompagnement, de savoir comment créer et entretenir le lien.
Nous sommes chacun.e responsable de la qualité de nos vie – y compris de sortir de nos solitudes – et ce livre nous permet de mieux assumer cette responsabilité.

Couples en confinement : Bonjour, les jeux psychologiques

Enfin seuls est-ce vraiment intéressant?

De trop peu à trop :

Etre confiné chez soi pendant trois semaines ou plus avec son amoureux ou son amoureuse, son copain, sa copine, son conjoint, sa conjointe ne devrait pas poser de problèmes. Comment l’autre dont la présence nous manquait tant dans la vie antérieure pourrait-il devenir de trop ? Pourtant, rien n’est simple. Nous avons vu que la satisfaction de nos besoins fondamentaux était rendue difficile par la situation de confinement, d’où le risque plus grand de disputes, suite à des conflits entre les besoins de l’un et ceux de l’autre. L’impossibilité de sortir pour se changer les idées va aussi compter : les stratégies habituelles de désescalade dans les disputes ne sont plus disponibles. On parle déjà du nombre de divorces au sortir de la crise tout autant qu’on parle du nombre de naissances dans neuf mois.

 Il importe donc d’identifier les situations à risque. Les problèmes peuvent venir des jeux psychologiques favoris de chacun. Les jeux psychologiques sont des séquences comportementales complémentaires automatiques, apprises dans l’enfance et qui ne sont pas conscientes. Les disputes par lesquelles ils se manifestent peuvent être anodines (premier degré des jeux) ; elles peuvent déboucher sur une rupture (deuxième degré) ou sur la violence (troisième degré). D’où l’intérêt de les repérer afin d’éviter toute escalade. Sinon elles peuvent devenir lourdement dommageables.

Parmi les jeux conjugaux[1], j’ai choisi trois modèles de jeux à deux correspondant à la situation de confinement à deux : celui de « Sans toi », celui de « Ereintée » et celui de « Coïncé ».

 Dans le jeu de « Sans toi », la femme reproche à son mari de l’empêcher de travailler, alors qu’en fait elle a inconsciemment peur du monde extérieur. Elle se plaint auprès de ses amies et passe pour la victime d’un tyran. Lui est terrifié à l’idée de rentrer un jour à la maison et de découvrir qu’elle est partie et qu’il est seul. Les deux personnes ont fait alliance en secret entre leurs états du moi Enfant.

Berne, en homme de son époque, nous propose le dialogue suivant au niveau social :

–      Reste à la maison et occupe toi du ménage

–      Sans toi j’aurais pu faire une carrière de concertiste

Avec, au niveau caché, un échange différent :

–      Tu dois toujours être à la maison quand j’y rentre. Je suis terrifié à l’idée que tu puisses m’abandonner

–      Je resterai à la maison si tu m’aides à éviter les situations dont j’ai peur ;

La femme a donc épousé un homme autoritaire de façon à ce qu’il restreigne ses activités à elle, lui évitant de se mettre dans des situations qui l’effraient. Au lieu de lui manifester sa reconnaissance, elle se plaint des limitations, ce qui met son conjoint mal à l’aise. Son avantage est qu’elle peut jouer à « sans lui » avec ses amies. La femme rejette en fait sur son mari la responsabilité du choix qu’elle a fait en l’épousant. : « Ah si je ne t’avais pas épousé, je n’aurais pas renoncé à mon métier pour toi, je pourrais sortir et m’amuser au lieu d’être cloitrée dans ma cuisine ! » Il faut que le partenaire partage un peu de la culpabilité pour que ça marche. Le jeu est caractérisé par la mauvaise foi. En général les couples s’apparient pour des raisons de complémentarité, chacun entrant inconsciemment dans le jeu favori de l’autre. Le mari peut être aussi dans le rôle de la victime qui se plaint. Nous ne sommes plus à l’époque de Berne ! A notre époque où nous sommes devenus sensibles à l’influence du fonctionnement resté patriarcal de la société, nous pouvons imaginer la situation inverse. Que de personnes talentueuses certes, mais effrayées par l’idée de ce qu’elles devraient entreprendre si elles devaient réaliser leurs ambitions, se plaignent d’avoir un conjoint ou une conjointe autoritaire, qui les empêche de faire ce qu’elles n’osent pas faire. Cela leur permet de jouer à « Sans lui, Sans elle, Sans les enfants, Sans… »que ne ferais-je pas?

Le jeu de « Coïncé » consiste à refuser avec hypocrisie de donner à l’autre ce qu’il veut et de faire comme si on l’ignorait. Voici la situation décrite par Berne : Madame Leblanc propose à monsieur Leblanc d’aller au cinéma. En général quand ils vont au cinéma ils font l’amour au retour. Mais cette fois une dispute éclate à propos de l’argent qu’il faudrait avoir pour repeindre la maison. Le résultat final c’est que Monsieur Leblanc claque la porte et va seul au cinéma et que sa femme se retrouve pleine de rancune. Au retour, il sera privé de sexe, mais elle aussi. La femme souhaite être « cajolée » selon le terme de Berne. Le mari voudrait qu’on reconnaisse son héroïsme pour subvenir aux besoins du ménage. Elle voudrait des caresses physiques ; lui des signes d’admiration. Chacun refuse de donner à l’autre ce qu’il espère, pour une raison quelconque.

Berne dit que la plupart des jeux conjugaux sont destinés à éviter l’intimité. En période de confinement, le choix d’un film à regarder ensemble peut faire l’affaire. Les corvées ménagères mal réparties jouant le rôle de l’argent qu’on n’a pas pour repeindre la maison. Les sources de frustrations nombreuses sont autant d’occasions pour hameçonner son (ou sa) partenaire.

Le jeu de « Ereintée » concerne les femmes surchargées de tâches, les ménagères qui font face à tout et sont bonnes pour le burn-out. Ces femmes se marient, dit Berne , avec le fantasme que leur mari a de sa propre mère qui faisait soi-disant tout parfaitement. Elles n’arrivent pas à renoncer à être parfaites ou à passer pour telles. Les conditions de vie modernes mettent les femmes plus en danger que les hommes. Il arrive que le mari tienne la maison quand sa femme travaille, mais est-il si fréquent qu’il le fasse en plus de son activité professionnelle ?

Les disputes de premier niveau réclament quelques remèdes de base : repérer les besoins de l’un et de l’autre, négocier la répartition de l’espace, du temps, se donner des signaux d’alerte, ne pas oublier de se dire des choses gentilles (signes de reconnaissance) qui mettent de l’huile dans les rouages, chercher le plus possible à obtenir le consentement de l’autre. C’est un fonctionnement démocratique. On peut parler de contrat.

Dans le cas du jeu « Sans toi », il faut aller plus loin, connaître ses faiblesses et accepter de prendre la responsabilité de ses choix de vie. Le jeu de « Coïncé » réclame aussi d’être honnête avec soi-même et avec l’autre : chacun connaît les points faibles de l’autre. S’abstenir d’appuyer sur ces points faibles est un bon moyen de renforcer alliance. Quant au jeu « Ereintée », je vous invite à écouter les féministes qui luttent contre le poids des préjugés de genre proposés aux filles dès leur enfance. Elles nous disent que nous n’avons pas à prendre tout sur nos épaules, que nous devons partager les tâches ménagères de façon à ne pas nous sentir éreintées au point de tomber malades.

La négociation et la bonne humeur nous donnent une chance d’éviter d’escalader dans les jeux et de mieux nous aimer. Dans le cas contraire, les couples au sortir de la période de confinement auront accumulé la rancune et se sépareront ou pire auront escaladé jusqu’à la violence contre l’autre et /ou contre soi.

[1] Eric Berne : Des jeux et des hommes, Psychologie des relations humaines, New York 1964,  Edition en français : Stock 1975Haut du formulaireBas du formulaire

Lecture féministe n° 5

Dans « Troubles dans le consentement, du désir partagé au viol » (Editions François Bourin) Alexia Boucherie a pour projet d’ouvrir la boite noire des relations sexuelles.

Après une introduction où elle affirme que le consentement sexuel est une pratique qui s’apprend,  à partir de ses enquêtes de terrain, l’auteur aborde  successivement :

  • L’ordre sexuel et ses normes
  • La fabrique des zones grises de la sexualité
  • « Je n’en avais pas envie, mais.. »
  • Apprentissages de la sexualité en hétéronormativité
  • Recevoir et produire de la violence : interpréter le viol
  • Quand l’intime devient politique : résister à l’hétéronormativité

J’ai choisi de sélectionner quelques passages qui m’ont paru particulièrement intéressants dès  qu’on réfléchit aux conditions d’une éducation sexuelle adaptée à notre époque et qu’on aborde les problèmes de violences sexuelles.

Elle donne d’abord une définition philosophique du consentement  : « Un acte par lequel quelqu’un donne à une décision dont un autre a eu l’initiative l’adhésion personnelle nécessaire pour passer à l’exécution ». On peut ainsi situer le consentement par rapport à la demande ou à la proposition : celui ou celle qui donne son consentement ne fait aucune demande. Il ou elle n’a pas l’initiative.

Autre opposition : une relation sexuelle consentie d’une qui ne l’est pas. On distingue ce qui relève de la sexualité de ce qui relève du viol.

Quelle est la légitimité à disposer du corps d’autrui ? Qu’entend-on par viol ?

Le viol, jusqu’en 1980 où la loi change, désigne un coït illicite avec une femme dont on sait qu’elle n’est pas consentante. Ensuite on admet que toute personne peut être violée et pas seulement des femmes. Un élément le caractérise :  la pénétration. L’acte de viol est cadré légalement mais pas la notion de consentement sexuel. On parle seulement de non-consentement (contrainte)

L’auteure insiste sur les conditions du consentement qui permettent d’écarter le soupçon de viol :

  • Le contexte avec la place de la liberté de chacun qui diffère selon les époques. On constate ainsi une remise à niveau des questions concernant le consentement à partir de la fin du 20ème siècle. Auparavant le corps des femmes était la propriété des hommes de la famille.
  • Le consentement peut être libre ou forcé (le oui est entre le choix et la contrainte).
  • Il doit être éclairé (dans le domaine médical et juridique, l’initiatrice du contrat doit dévoiler les composantes de l’acte).
  • Il doit être énoncé, exprimé d’où l’absence de doute.

En quoi notre pratique routinière des relations sexuelles supposées libres et éclairées est-elle troublée par les rapports de pouvoir inhérentes à un apprentissage genré du consentement ?

A l’heure où l’on prône l’égalité pour toutes pourquoi cette question du consentement est-elle si compliquée à mettre en œuvre ?

Le but de son enquête : éclaircir ce qui se trouve entre le sexe consenti et le désir, celui qui est consenti mais qui est non désiré (zone grise) et celui qui ne l’est pas (le viol).

Comment chez les individues se fait l’apprentissage des limites et des envies et le respect ou la transgression des limites dans un cadre de relations non viciées.

Les relations sexuelles les plus quotidiennes sont des lieux où s’exercent les rapports de pouvoir, d’où la nécessité de prendre en compte le contexte de la relation car nous exerçons ou subissons toutes des rapports de pouvoir dans une situation donnée en fonction des membres présentes en interaction qui influencent nos actions

On peut être critique face aux discours qui considèrent que

  • Le consentement est la traduction directe d’une envie et/ou d’un désir sexuel ;
  • Que chacun est en capacité libre et éclairée de dire oui ou non et de le verbaliser/ le montrer explicitement
  • Que les viols sont les seules relations sexuelles forcées
  • Et que toutes les autres sont- par opposition – les seules dénuées de rapports de pouvoir

La grille de lecture du genre rend compte du fait que le viol est favorisé par les rapports sociaux de sexe asymétriques. Il bénéficie d’un ancrage culturel par lequel il se perpétue que les féminismes militantistes appellent « culture du viol », les violeurs étant des hommes proches (famille, amis, voisinage).

Sexe et obligation :

Si les hommes hétérosexuels considèrent que leurs pratiques sont guidées quasi exclusivement par leurs envies, les femmes sont quant à elles plus conscientes de l’obligation que peut représenter le rapport sexuel dans leurs relations affectives et choisissent de s’y conformer ou non. Cela n’indique pas que les hommes sont entièrement libres mais les techniques de rationalisation divergent selon les positions sociales des individues au sein de la matrice hétérosexuelle.

Elles pouvaient dire non mais elles ont dit oui aux préliminaires, ce qui a laissé entrevoir qu’elles désiraient cette relation. Ce type d’argument persiste jusque dans les procès pour agressions sexuelles et viols. C’est la zone grise par conformité.

Le livre contient des extraits d’entretiens qui illustrent les différents points de l’enquête.

Contes de fées et plan de vie psychologique

article paru en anglais dans le Transactional Analysis Journal (juillet 2004)

Présentation :

Les contes de fées occupent une place à part dans la littérature, celle d’une variante populaire des mythes. A ce titre, ils ont intéressé les fondateurs de l’analyse transactionnelle (1) et continuent d’intéresser les psychologues et les éducateurs. On peut y voir une métaphore de la vie sociale.
Racontés aux petits enfants, ils contribuent à leur éducation et leur proposent des modèles positifs en vue d’une vie sociale réussie. En tant qu’analyste transactionnelle travaillant dans le champ de l’éducation et des apprentissages, je suis intéressée par “les aspects sains et fonctionnels du processus par lequel nous “faisons le sens” dans la construction psychologique de la réalité”, comme nous y invite William F. Cornell (T.A.J. 18 octobre 1988 pp 270-282: “Life script theory : A critical review from a developmental perspective”).
Je me propose donc de rappeler quelle est la place des contes de fées dans la littérature et la psychologie, comment les analystes transactionnels psychothérapeutes les ont utilisés et je présenterai une autre lecture propre aux aspects sains et fonctionnels du scénario de vie incluant l’apprentissage des rôles sociaux.
Pour étudier les relations de rôles, je ferai un détour par la notion de “définition de la relation “développée par le groupe de Palo-Alto.

– I – Aspects littéraires :

La place particulière des contes de fées dans la littérature :
Les contes de fées appartiennent à la tradition orale. Ils se transmettent dans les campagnes depuis la nuit des temps et, à l’inverse des mythes grecs et des récits d’animaux qui ont fourni la matière des fables d’Esope ou de La Fontaine, ils n’ont été fixés que tardivement par le passage à l’écrit. Charles Perrault en a sélectionné certains et les a mis en vers à destination de la cour du roi de France au 17ème siècle. Les plus connus sont “Barbe-Bleue”, “La Belle au bois dormant”, et “Cendrillon”. Au 19ème siècle, les frères Grimm ont transcrit des contes de différentes régions d’Allemagne avec leurs versions locales et ces traductions sont allées rejoindre le fonds commun de lecture des petits enfants européens. Parmi eux, “Blanche Neige”, “Hansel et Gretel” et” Le joueur de flûte de la ville d’Hamelin”.
Aujourd’hui encore on continue de transcrire les histoires que les différents peuples du monde racontent à leurs enfants.
La structure des contes:

Ma référence est l’ouvrage du folkloriste russe, Vladimir Propp, “Morphologie du conte”, publié en 1928 (2). La traduction de cet ouvrage en anglais en 1958 et sa sortie aux Etats-Unis ont contribué à le faire connaître d’un plus large public. Propp distingue dans les personnages des contes sept rôles, chacun ayant sa sphère d’action. Ces rôles sont l’antagoniste ou l’agresseur, le donateur, l’auxiliaire, la princesse ou son père, le mandateur, le héros et le faux héros.

Les personnages ont leurs motivations . Celles du héros forment l’objet de la quête. Elles ne sont pas explicitées par Propp, mais le lecteur de contes n’aura pas de mal à les trouver : la survie physique (ne pas être tué), économique ( ne pas mourir de faim), ou psychologique ( échapper à l’inceste). Ce peut être aussi la formation d’un couple, fonder une famille, découvrir qui on est, retrouver ses parents ou ses frères, être aimé pour soi-même ou tout simplement la quête du pouvoir , symbolisé par la princesse ou son père, le roi.

Propp a dégagé 31 fonctions du conte. Ce sont des événements qui se reproduisent dans la plupart des contes. Le déroulement de l’histoire se fait par ruptures successives : des moments de déséquilibre et d’équilibre se succèdent; le héros en position de faiblesse au départ (position basse) passe ensuite successivement en position haute (dominante) ou basse (dominée) et termine en position haute. Nous trouvons ici le schéma de base de tous les récits centrés sur un héros qu’on appelle “récits d’initiation”.

– II – Aspects psychologiques :

Le rôle des contes auprès des enfants :
Ces histoires ont en effet le point commun d’être des récits d’initiation aux rôles sociaux. Ils font la promotion des qualités de courage, d’énergie, d’entraide et de persévérance, valorisées par la société. Ils inspirent aux auditeurs et aux lecteurs des émotions profondes et transmettent une sagesse.
Ils contiennent une série de messages venant du Parent de l’humanité que les conteurs se transmettent de génération en génération à l’intention des jeunes qui se demandent ce qui les attend dans la vie. A des époques où la mortalité des mères était importante et où il y avait beaucoup d’orphelins, ces messages pouvaient se comprendre à différents niveaux selon le public. C’était autant de leçons de vie pour les tout petits qu’ils séduisaient par leur aspect merveilleux : animaux qui parlent, auxiliaires magiques comme les bottes de sept lieues ou les tapis volants. Pour les jeunes et les moins jeunes qu’ils ramenaient au monde de leur enfance et qui les écoutaient dans leur état du moi Enfant, c’était une leçon d’espoir et de confiance dans l’être humain.
Ils contiennent mises en garde et encouragements et insistent d’une part sur les dangers du monde : personnages terrifiants ou imprévisibles, faux héros qui n’hésitent pas à tromper les autres et à trahir leur parole, personnages guidés par leur intérêt matériel ou leurs instincts destructeurs. Pour les adultes qui écoutent, le sens de ces dangers, c’est la mort, la mutilation physique ou psychique, la

perte de ses proches ou de ses biens. Ils décrivent ainsi des héros, au départ en position de faiblesse, qui s’en sortent et triomphent des épreuves.
Bruno Bettelheim (3) les aborde dans son ouvrage “Psychanalyse des contes de fées” du point de vue du développement de l’affectivité et du déroulement de la vie psychique. Les contes parlent à mots couverts aux enfants de ce qu’ils vivent au quotidien : drames de la séparation, de la compétition fraternelle, ambivalence à l’égard des parents.

Comment expliquer leur pouvoir? :
Ces histoires se racontaient lors des veillées d’hiver. Le talent des conteurs s’exerçait dans une atmosphère propice, de caractère hypnotique. C’est encore le cas lorsqu’un parent lit à son enfant une histoire avant qu’il ne s’endorme, ou qu’un enseignant de maternelle réunit les petits autour de lui pour leur lire un conte. Ces moments sont favorables à l’apprentissage des émotions : la peur du danger imaginé, la colère devant l’échec, la tristesse de la perte, la joie de la réussite finale. Le rôle du conteur y est primordial.

– III – L’approche des transactionnalistes :

Contes et scénario de vie :
Les premiers analystes transactionnels, Eric Berne, Stephen Karpman et Fanita English en particulier , ont mis en évidence l’influence des contes sur le scénario de vie de leurs clients (1 et 5). Cette influence s’explique en partie par les éléments non-verbaux de la transmission du récit oral, qu’il soit improvisé, raconté de mémoire ou lu. Par un coup d’oeil complice, une maman peut laisser entendre à son enfant : “ça, c’est tout toi!”, transformant un constat en attribution (4).

La thèse de Karpman :
Dans son article “Contes de fées et analyse dramatique du scénario”, (5) Karpman parle de l’influence des contes sur les jeunes esprits au niveau subconscient.
Il présente un diagramme des rôles joués par les personnages du conte qui sont tous en relation entre eux. L’hypothèse est que ces rôles sont ceux du scénario de vie de la personne dont c’est le conte préféré.
Dans la thérapie, on aborde les personnages du conte favori du client comme on aborde ses rêves : de même que chaque partie du rêve parle du rêveur, chaque personnage ou élément du conte tel que le client l’a retenu parle de lui. Il s’y projette successivement ou attribue aux personnages différents rôles dans son histoire, d’où l’intérêt du conte pour la résolution des impasses.
L’article de Steve Karpman contient entre autres quatre idées essentielles pour mon propos :
– tous les rôles sont interchangeables;

– le drame (mot qui signifie action) est constitué par les renversements émotionnels des rôles;
– ces rôles peuvent se résumer à trois : celui de Persécuteur, de Sauveur et de Victime ; Ces trois rôles sont négatifs.

– le passage de l’un à l’autre dans le temps et l’échange des places entre les joueurs, diagrammé par un double triangle fléché, correspondent au déroulement des jeux psychologiques sur un temps limité et au déroulement du scénario sur une vie entière. Dans cette perspective les renversements de rôle correspondent aux coups de théâtre.

Nous retrouvons la structure et les fonctions du conte avec les passages de la position de dominé à dominant et de dominant à dominé tout au long de l’action. La Victime est en position de dominé. La position dominante est occupée par le Persécuteur (l’agresseur) ou le Sauveur.

En revanche la thèse s’écarte de la tradition des contes telle que je l’ai exposée plus haut du fait du caractère négatif des rôles. Certes, celui de l’agresseur présente comme le Persécuteur des aspects négatifs et les contes sont pleins de personnages agressifs terrifiants comme les ogres et les sorcières, mais le lecteur de contes a du mal à se représenter la Victime comme responsable de son malheur, et le Sauveur comme nuisible.

On peut, en effet, avoir des réticences pour voir dans les marraines-fées des Sauveurs au sens de Karpman. C’est justement leur tâche sociale que de relayer la mère décédée ou absente et de permettre à sa filleule d’accéder au statut d’épouse en l’aidant à rencontrer un futur compagnon. Cendrillon , maintenue comme servante au foyer de son père n’a aucune chance de se marier. Sa marraine l’y aide, lui donnant le moyen de sa liberté telle qu’il se concevait à cette époque. Dans son intention, la marraine est toute bonne.

Pourtant la chose mérite d’être examinée de près du point de vue de l’autonomie de la filleule car l’aide qu’elle lui apporte est magique; elle lui ordonne de revenir du bal avant minuit sans lui dire pourquoi. Elle semble attendre une obéissance totale comme celle qu’on réclame des jeunes enfants au lieu d’inviter Cendrillon à développer son autonomie. C’est un bon exemple de ce qui peut se passer entre enseignants et enseignés.

Les comportements correspondant à ces rôles sont à vrai dire tous en lien avec la responsabilité et l’autonomie. Dans un comportement scénarique, la personne refuse la responsabilité et rejette celle-ci sur autrui ou sur la fatalité. Les rôles de scénario impliquent une position de vie spécifique par rapport à soi-même, aux autres ou au monde :

+ – pour le Persécuteur, + – chez le Sauveur et – + ou – – chez la Victime.
Les comportements d’autonomie manifestent une position de vie ++, faite de confiance éclairée en soi, en l’autre et dans le monde.

Il est donc intéressant d’examiner en quoi le comportement d’une personne peut être perçu comme caractéristique d’un Sauveur, d’un Persécuteur ou d’une Victime et différent de celui qu’aurait une personne autonome en position dominante ou dominée.

Un autre intérêt du modèle proposé par Steve Karpman est dans son aspect interactif : il ne peut y avoir de Victime sans Sauveur ou Persécuteur , de Sauveur ou de Persécuteur sans Victime. A la position – + correspond la position complémentaire + -. La responsabilité de chacun est engagée dans l’interaction particulière du jeu psychologique et des déplacements d’un rôle à l’autre.

Ce modèle a surtout été appliqué aux Jeux Psychologiques, remplaçant la formule “J” pour l’analyse de ceux-ci. Son succès considérable a été accompagné d’un glissement ; en effet l’habitude de mettre un Parent Normatif négatif derrière le Persécuteur , un Parent Nourricier négatif derrière le Sauveur , un Enfant Adapté négatif derrière la Victime a restreint les possibilités d’utilisation du modèle en escamotant la réflexion sur les rôles. En aucun cas, le rôle ne peut être confondu avec l’Etat du moi (6). C’est vrai du rôle psychologique comme du rôle social.

– IV – Applications à la pratique :

Comment utiliser la thèse de Karpman dans le champ social :
La littérature transactionnaliste est riche de descriptions de scénarios de vie de personnes fortement perturbées, qui ont tiré de leurs contes de fées favoris les conclusions défavorables ou qui ne savent pas en utiliser les éléments favorables, mais quand on travaille sur ces sujets dans le domaine de l’éducation ou de la formation, on rencontre surtout des personnes au scénario de vie “banal”(7).

Les contes peuvent être étudiés dans le champ social du point de vue du glissement de l’aide au sauvetage, des directives à la persécution et de la faiblesse à la position de Victime. C’est le sens du travail que je fais dans le champ de l’éducation où je centre la réflexion sur la distinction entre rôle et personne et sur la différence entre contrat lié au rôle social et illusion de toute puissance ou d’impuissance. Ces illusions sont présentes dans des remarques telles que : “Si mon élève n’apprend pas, c’est sûrement que j’ai manqué quelque chose. Un bon prof doit arriver à motiver ses élèves!” ou “Avec des classes surchargées, on passe son temps à faire de la discipline! Que faire avec des gosses qui ne savent même pas lire?”C’est comme si l’on passait de la fée avec sa recette magique à la grenouille sans ressource.

Par ailleurs, sans nier le côté tragique de certains contes, je préfère les regarder comme des trames de scénarios orientés vers l’apprentissage et la croissance, choisissant la perspective de Fanita English quand elle compare le scénario à un tapis qui a sa trame sur laquelle on peut ensuite confectionner son histoire particulière (8). Les messages du conte peuvent être explorés du point du vue de la problématique de la personne et des permissions dont elle a besoin pour avancer.

Le conte et l’apprentissage de la vie :
La leçon du conte est que l’être humain passe aux différents moments de sa vie – et à l’intérieur d’une même journée – par des positions successives où il domine et par d’autres où il est dominé. A l’opposition dominant/dominé qu’il me parait préférable de réserver aux jeux de pouvoir décrits par Claude Steiner (9), je préfère la notion de position haute ou basse qui est dépourvue de connotation négative. Elle vient de Jay Haley (10) collaborateur de Milton Erickson et membre de l’équipe de Grégory Bateson à Palo Alto. Elle a été reprise dans l’ouvrage “Une logique de la communication “(11). Les auteurs distinguent deux niveaux dans un message : celui du contenu du message et celui de la définition de la relation (le processus, pour les analystes transactionnels). Ainsi quand la marraine de Cendrillon lui dit d’aller au bal et de rentrer avant minuit, le contenu du message concerne le bal et l’heure du retour. Au niveau de la définition de la relation, elle prend l’initiative, se place dans la position haute, ici celle du mandateur qui ordonne et invite sa filleule à prendre la position basse qui est la position complémentaire.
Quand une grenouille demande de l’aide au héros, elle se met en position basse et invite le héros à prendre la position complémentaire qui est une position haute afin de tester sa capacité à aider les autres. C’est elle qui définit la relation entre eux deux et choisit sa position. L’autre a la possibilité d’accepter ou de prendre l’initiative d’une autre définition de la relation, par exemple se moquer de la grenouille. Les différents personnages du conte conduisent ainsi le héros à expérimenter position haute et position basse jusqu’à la réussite finale. Les faux héros qui refusent le risque échoueront dans leurs entreprises .
Le conte propose ainsi un modèle d’apprentissage des rôles sociaux positifs. En position haute, deux choix : celui qui guide, ordonne, mandate, met à l’épreuve et celui qui aide, donne, secourt , nourrit , se soucie de l’autre. Ces deux rôles mobilisent les deux aspects fonctionnels de l’état du moi Parent d’une personne, sans pourtant se confondre avec eux. En position basse, on trouve celui qui bénéficie de l’aide ou de la guidance. Il va mobiliser plutôt les états du moi Enfant adapté ou Enfant Libre.

L’apprentissage des rôles sociaux :
Ces rôles, le jeune enfant les apprend à la maison et à l’école. Ces deux lieux d’apprentissage lui permettent d’expérimenter position basse et position haute,

en étant guidé et nourri, mais aussi invité à rendre service et à transmettre ce qu’il sait aux plus jeunes. C’est ce qui fait le drame des enfants handicapés de rester la majeure partie du temps en position basse. Je fais l’hypothèse que la confiance en soi naît de la possibilité d’être placé en position haute et d’être en contact avec la fierté de guider ou d’aider autrui. La pédagogie de Freinet (12) repose sur ce principe.

La position haute n’est donc pas réservée aux rôles de Persécuteur ou de Sauveur et la position basse aux rôles de Victime. Dans la vie comme dans les contes, il y a constamment renversement des rôles , mais ces rôles sont positifs quand ils correspondent à une alternance normale de position dans le relation et sont négatifs quand ils impliquent une méconnaissance ou la fixation d’un type stéréotypé de relation.

Je crois donc utile de distinguer le triangle dramatique où les personnes passent d’un rôle de scénario à l’autre, d’un autre triangle que j’ai imaginé sur le même modèle, celui des “apprentissages sociaux” où les personnes passent successivement d’une position haute à une position basse tout en restant dans l’OKness.

En position haute, deux possiblités de rôles : celle de Mandateur comme dans les contes ou de Guide (les anciens le nommaient “mentor”) et celle de Donateur ou d’Aidant. En position basse, le Bénéficiaire de la guidance ou de l’aide.
Ce triangle pourrait se diagrammer de la manière suivante :

Position haute LE GUIDE ou le MANDATEUR

Position haute : L’AIDANT ou LE DONATEUR

position basse

LE BÉNÉFICIAIRE position basse

Illustration :
Dans la vie quotidienne, une personne adulte est en position haute face à ses enfants jeunes et elle passe dans la position basse quand à un âge avancé elle

devient physiquement dépendante d’eux. Mais elle peut dans certains domaines comme le domaine financier ou intellectuel garder la position haute. Si elle utilise cette position pour soutenir sa famille en l’aidant, elle fonctionne dans le triangle des rôles sociaux. Mais si elle l’utilise pour contrôler sa famille, elle se situe alors dans le rôle de Persécuteur du triangle dramatique. Le comportement choisi n’est pas lié à la position dans la relation mais à la position de vie activée dans la relation.

Dans la vie professionnelle, comme dans la vie de famille, les relations inégales sont fréquentes : mère/enfant, père/enfant, employeur/employé, médecin/patient, enseignant/élèves. Quand les personnes fonctionnent dans la conscience du rôle et la confiance dans leurs capacités et celles de l’autre, il y a synergie. Chacun sait par ailleurs que la position n’est pas fixe, que nous tournons, qu’il s’agit de rôles sociaux : un chef de service, une responsable d’entreprise qui sont en position haute face à leurs employés passent en position basse sur le fauteuil du dentiste ou devant le directeur d’école de leurs enfants (13).

Certains rôles sont complémentaires et égaux comme Prince/Princesse, Père et Mère par rapport à leurs enfants, collaborateurs, partenaires de double au tennis. Dans une société démocratique, ils sont de plus en plus nombreux.
Je soutiens que ces rôles s’apprennent dès la petite enfance grâce à l’expérimentation des différentes positions dans la relation, que ce soit à la maison ou à l’école, d’une manière qui peut être positive.

Conclusion :

Le contenu des contes rend donc compte de la vie biologique et de la vie sociale avec ses hauts et ses bas. Chacun a pris dans l’imaginaire collectif ce qui lui semble en rapport avec ce qu’il a vécu à l’âge de la prise de décision scénarique. Mais cet imaginaire contient aussi son contraire. A chacun de puiser dans ce trésor de quoi aménager le scénario construit avec les représentations que se faisait de sa vie future le jeune enfant encore dépendant des grandes personnes.

Comme les conteurs d’autrefois, les enseignants, les journalistes, les intellectuels et tous ceux qui font un métier de communication, transmettent aux générations suivantes non seulement ce qu’ils savent mais aussi ce qu’ils sont. Ils ont donc intérêt à examiner leur scénario. Ils ont entre autres responsabilités, celle de ne pas désespérer les jeunes et de leur montrer un monde ouvert où chacun peut construire sa vie, à condition de tenir compte de l’expérience et de développer les qualités sociales d’entraide, de persévérance et d’énergie. A ce prix ils seront dignes de ces beaux métiers de transmetteurs de connaissance et de sagesse.

Références :

1-Eric Berne a consacré un chapitre de “Que dites-vous après avoir dit “Bonjour!” à l’analyse et au classement des scénarios influencés par les contes et les mythes : “Petit chaperon rouge”, “Little Miss Muffet”, “Sisyphe” et il consacre le chapitre 13 de “Que dites-vous après avoir dit “Bonjour”? (Tchou 1972 ) au personnage de Cendrillon.

Fanita English décrit l’influence du conte de Rapunzel, du mythe de Scylla et du poème de Tennyson “La Dame de Shalott” inspiré du cycle arthurien sur la construction du scénario de vie d’une de ses clientes, Stella .“Analyse Transactionnelle et émotions” EPI 1992 pp 35 et suivantes.

Dans un article du 18 octobre 1988 dans le TAJ, William F. Cornell propose de réserver le terme “scénario de vie “ aux aspects pathologiques et “Plan de vie psychologique” aux aspects sains et fonctionnels. Les contes sont concernés par les deux aspects.
2-Vladimir Propp : Morphologie du conte 1928 et 1958 pour la traduction anglaise. Le Seuil 3-Bruno Bettelheim : Psychanalyse des contes de fées . Laffont 1976.

4 -Le concept d’”attribution” a été mis au point par Ronald Laing (La politique de la famille – STOCK 1979)- Claude Steiner y consacre les pages 90 à 93 de son ouvrage “Des scénarios et des hommes” EPI 1984)
5 – Steve Karpman : Contes de fées et analyse dramatique du scénario 1968 AAT n° 9 6-Fanita English : Distinguer rôle et état du moi dans “Aventures en Analyse Transactionnelle” EPI 1984

7-Claude Steiner : “Des scénarios et des hommes” EPI 1984. Les chapitres 13 et 14 développent des scénarios “banals” de femmes et d’hommes. Le terme est à opposer à “tragique”.
8-Entendu lors de l’atelier “”Changements et transitions” conduit les 20 et 21 mai 1989 par Fanita English à Paris.

9-Claude Steiner : “L’autre face du pouvoir” D de B 1995
10-Jay Haley : Stratégies of psychotherapy . Grune &Stratton 1963
11-Paul Watzlawick, J. Helmick Beavin, Don D. Jackson : Une logique de la communication 1967. Édition française Le Seuil 1972.
12-Célestin Freinet, pédagogue français (1896-1966) partisan des méthodes actives d’éducation. Lire son ouvrage “Les techniques de l’école moderne” – Armand Colin- Bourrelier 1964.
13-Sur les rôles professionnels pour lesquels Alain Crespelle utilise le terme d “institués” et les transactions auxquelles ils invitent, on tirera profit de la lecture de ses articles : Analyse Transactionnelle et Analyse Institutionnelle. Bulletin d’Analyse Transactionnelle n° 3 Décembre 1977 Paris IFAT et “Le moi, le rôle et la personne : différences et interférences” AAT n° 52 . Sur la distinction entre rôles sociaux, professionnels et contractuels faite par Fanita English, on se reportera à son ouvrage : “Qui suis-je face à toi?” H&G 1987 Chapitre 4

Lecture féministe 4

Je viens de lire « Qui a peur des vieilles ? » de Marie Charrel. Le titre comme la couverture choque volontairement. C’est que le sujet abordé : l’invisibilité des vieux en général et des vieilles en particulier est l’un des grands maux de notre société.  On ne veut pas les voir. On les cache.

« Les femmes sorties de la période fertile sont aujourd’hui encore déconsidérées, invisibilisées, comme si leur valeur sociale diminuait en même temps que leur quantité d’oestrogènes ».

Depuis l’enfance et plus encore à partir de l’adolescence le corps des femmes est soumis à des injonctions paradoxales – sois sexy, mais pas trop, sois désirable mais pas aguicheuse – qu’elles ont largement intégrées. Tout au long de leur vie et des transformations du corps, les kilos en trop, la cellulite, les hanches larges, les bourrelets, les cuisses molles et les bras flasques sont une source de souffrance et d’obsessions névrotiques chez beaucoup d’entre elles ».  Certes les hommes  ont aussi des complexes. « Reste  que les femmes portent un regard beaucoup plus dur et insistant sur leur propre corps ».

Comment les femmes qui sont sans cesse invitées à mettre leur corps en avant vivent-elles le vieillissement  et la dévalorisation  sociale qui en découle,  qu’il s’agisse d’inspirer le désir ou d’obtenir un poste? Pourquoi les femmes mentent-elles plus que les hommes sur leur âge ? En 1970, Simone de Beauvoir décrivait déjà la vieillesse comme un fait culturel, pas seulement biologique,  dont les conséquences sont très différentes pour les femmes et pour les hommes. Certes les hommes vieillissent aussi, mais leur valeur n’est pas connectée à leur apparence (encore que !), mais avec leur pouvoir.

Marie Charrel aborde la valorisation de la jeunesse, le rejet du corps qui vieillit, la tyrannie de l’apparence, mais aussi la force des vieilles, leur liberté, la transmission entre femmes et la revanche des vieilles avec le développement de la parité dans la vie politique. Elle accumule les témoignages, et y ajoute le sien. J’ai apprécié leur variété et leur abondance.

Elle conclut en se félicitant que le séisme #MeToo ait déplacé les lignes : « de plus en plus il est question du corps féminin. Les tabous tombent. Le prochain à briser sera celui sur le corps vieillissant…Observer comment notre société considère ses aînées, c’est mesurer le chemin qu’il reste à parcourir, tant nos normes et repésentations survalorisent de façon bien trop obsessionnelle la jeunesse. Pour combien de temps encore ? »

« La révolution commence en chacun et chacune. Aux hommes d’affirmer une masculinité plus libre, détachée des enjeux de statut, susceptible de s’épanouir dans des relations plus justes et  équilibrées. Aux femmes, jeunes, moins jeunes, de ne plus compter les années avec l’angoisse du déclassement ».