Je vous propose l’analyse d’une situation de conflit à partir de l’article de Zineb Dryet dans Le Monde des 4,5,6 avril 2021  : L’amitié est-elle soluble dans le covid ? Il porte sur les relations amicales, mises à rude épreuve par les restrictions qu’impose la crise sanitaire. Je le résume ci-dessous avant de le commenter.

Une amitié de plus de 20 ans pour Julie et Sofia (37 ans ). Sofia est partie avec sa famille en Normandie où elle a une maison au bord de la mer. Julie est restée à Paris dans son petit appartement. Au début elles s’écrivent beaucoup , échangent des nouvelles. Julie plaisante sur « l’exode »  de Sofia qui fait l’école aux enfants dans le jardin et améliore sa recette de tarte aux pommes. Elles finissent par se disputer, Sofia ne supportant plus l’ironie de Julie et Julie la situation privilégiée de son amie. Elément à prendre en compte : c’est une amitié ancienne fusionnelle, avec fous rires, confidences, régressions.

Julie à Paris continue de faire des apéros avec ses amis et elle a été plusieurs fois cas contact mais ne veut pas changer ses habitudes . Sofia reproche à Julie de ne penser qu’à sa gueule en ne respectant pas les règles de distanciation. Sofia, elle, applique strictement les gestes barrières avec une posture d’héroïne (elle voudrait qu’on lui donne une médaille pour cela ironise son amie). Julie aurait voulu que Sofia reconnaisse à quel point respecter le confinement était psychiquement éprouvant pour elle. Elle aurait aimé être invitée dans la maison de Normandie, ce qui était impensable pour Sofia (Chacun chez soi !) . On s’est rarement autant disputé avec nos amis et éloigné d’eux.

 Les amies de plus de 20 ans  ont 37 ans, donc elles se sont connues à 16 ou 17 ans. Cette amitié a conservé les caractéristiques des liens de l’enfance et de l’adolescence : amitié fusionnelle, fous rires, régressions. En temps ordinaire, les états du moi activés chez les deux amies quand elles sont ensemble sont l’Enfant libre.

L’amitié qui a déjà résisté sur le temps à la différence de niveau social entre les amies a résisté aussi un temps à la séparation imposée par le confinement, mais pas au surgissement du Parent de Julie qui ironise (Parent critique) sur l’exode de son amie en Normandie et aux reproches du Parent critique de Sofia concernant le respect des gestes barrière (« elle ne pense qu’à sa gueule »). Or Julie non seulement aurait voulu que Sofia reconnaisse combien il était éprouvant pour elle de supporter les contraintes du confinement (elle espérait être plainte par le Parent nourricier de son amie) mais elle aurait aussi voulu être invitée dans la maison de Normandie (elle a du faire des appels symbiotiques en ce sens). Or, pour Sofia, c’était impensable : C’est chacun chez soi ! L’état du moi Parent nourricier de Sofia est sollicité en vain suite à la demande symbiotique de Julie et l’Enfant de Julie est sollicité en vain par l’état du moi Parent de Sofia qui voudrait être admirée. Julie non seulement refuse de la féliciter, mais elle la critique en parlant de « médaille ». Le stress du aux nouvelles règles a en effet activé le parasitage de Sofia qui a l’habitude d’être admirée et aime l’être (c’est son sentiment parasite qui lui permet d’obtenir des signes de reconnaissance). Les échanges débouchent logiquementsur un jeu psychologique (Ah, je te tiens) où Sofia se retrouve Victime de Julie qui termine en Persécutrice de son amie.

L’amitié est un sentiment rare qui suppose l’acceptation inconditionnelle de l’autre et ne supporte pas l’irruption de l’état du moi Parent dans la relation. Comme l’écrit Eric Berne dans  Amour, sexe et relations , « les amis s’acceptent l’un l’autre (….) L’essence de l’amitié réside dans le fait qu’en temps ordinaire, l’état du moi Parent n’est pas mobilisé ». Mais nous ne sommes pas dans un temps ordinaire!