L’argent, à l’intersection de la réalité économique et du scénario personnel.

Dans le milieu de l’Analyse Transactionnelle, on trouve beaucoup de personnes en changement professionnel, parfois suite à une rupture familiale ou à un licenciement, parfois suite à un choix personnel. Changer de profession, c’est faire un saut dans l’inconnu, d’où l’importance pour elles de réfléchir aux conditions économiques de l’exercice de leur nouveau métier et d’aborder les questions d’argent sans illusions et sans préjugés, ce qu’elles ont parfois du mal à faire.

J’ai en effet, à plusieurs reprises, entendu dans la bouche de personnes en changement professionnel des propos sur l’argent qui étaient en complète contradiction avec leur projet. J’ai eu aussi à faire travailler des personnes sur leur difficulté à se faire payer leurs services quand il s’agit d’aide, de conseil ou de soutien psychologique, activités qui sont perçues comme appartenant au domaine du don et de la gratuité. L’obstacle vient clairement de l’état du moi Parent de la personne et des représentations qui s’y opposent.

Au niveau économique, vouloir vivre de sa pratique de l’Analyse Transactionnelle. implique de changer de statut, le plus souvent passer du statut de salarié à un statut libéral qui oblige à administrer ses moyens de subsistance, ce qui va bien plus loin que gérer ses revenus. Il n’est qu’à observer la difficulté des associations à recruter un trésorier pour se rendre compte que la vocation administrative et gestionnaire est peu fréquente ainsi que les compétences qui vont avec. Sur ce plan, le milieu où a grandi la personne lui a donné ou non des modèles et des compétences pour gérer la situation nouvelle. Si elle ne les a pas, elle devra les acquérir.

L’autre difficulté vient des représentations autour de l’aide et du travail d’accompagnement. Les représentations qu’a la personne au sujet de l’argent  sont sources de dilemmes, donc de blocages et elles peuvent compromettre sa réussite.

Dans l’accompagnement des personnes en changement professionnel, j’explore d’abord les représentations à propos de la thématique de « gagner » et « conserver ».

–       GAGNER : Qu’est-ce qu’on vend ? Certains disent qu’ils ne savent pas « se vendre ». Qu’est-ce qu’on monnaie ? son temps, son attention, sa compétence, son écoute, son amour ? Est-ce que cela peut se mesurer par de l’argent ? Les métiers de l’aide renvoient dans l’inconscient collectif aux vocations des religieuses éducatrices, soignantes ou assistantes sociales des époques passées qui avaient fait don de leur vie et ne comptaient pas leur peine. S’écarter de cet idéal peut être source de culpabilité. La statut de salarié, quand il est possible, est un choix équilibré : on gagne sa vie (pas très bien), et on se sent utile. On peut aussi avoir un mi-temps de salarié et un mi-temps privé quand la problématique de la sécurité l’emporte.

–       CONSERVER : Economiser, épargner, mettre de côté supposent une conscience du temps et une prise en compte de l’avenir et des aléas économiques, tout d’abord parce que les charges sont déterminées d’après les gains de l’année et payées l’année suivante, alors qu’elles sont retirées du gain du salarié à chaque fin de mois,  d’où la nécessité de penser sur le plus long temps.

Sur ce point,  qui est fourmi, qui est cigale ?

D’autres thématiques  importantes pour la réussite professionnelle concernant l’argent apparaissent. Elles concernent plus généralement la manière de vivre l’argent et les méconnaissances qui  s’y rattachent :

–       DÉPENSER : Quelles dépenses sont légitimes ? Les personnels de l’éducation sont souvent réticents à se payer une formation ou une thérapie et s’imaginent ôter quelque chose à leur famille s’ils dépensent de l’argent pour leur propre développement. Leur argent n’est donc pas tout à fait le leur. Dans les dépenses, qu’est-ce qui va à la famille et qu’est-ce qui va à l’achat personnel ? Qu’est-ce qui va à la dépense professionnelle ? A quoi sert l’argent ? En France, les représentations de l’argent sont très souvent négatives. Pas question de s’identifier à ce qu’on gagne comme aux Etats-Unis.

–       DONNER et transmettre à ses enfants ou petits-enfants sont pour certains le plus important. Donner à ses proches, mais aussi donner aux faibles, aux démunis. Le don peut avoir son revers : c’est une manière de prendre le pouvoir sur l’autre, d’en faire un obligé.

En explorant ces quatre axes en fonction des modèles reçus, on aide les personnes à comprendre leurs dilemmes et à augmenter leurs chances de réussite dans leurs changements professionnels.

La méthode est celle que j’ai expliquée dans l’article : « Les sources de conflits intrapsychiques dans l’état du moi Parent », paru dans les AAT N° 121, en janvier 2007 et que j’ai reprise dans mon ouvrage « Sortir des conflits » (InterEditions 2009). C’est une des manières de connaître son scénario familial et culturel à propos de l’argent et de faire des choix congruents.

 

 

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