Dans « Troubles dans le consentement, du désir partagé au viol » (Editions François Bourin) Alexia Boucherie a pour projet d’ouvrir la boite noire des relations sexuelles.
Après une introduction où elle affirme que le consentement sexuel est une pratique qui s’apprend, à partir de ses enquêtes de terrain, l’auteur aborde successivement :
- L’ordre sexuel et ses normes
- La fabrique des zones grises de la sexualité
- « Je n’en avais pas envie, mais.. »
- Apprentissages de la sexualité en hétéronormativité
- Recevoir et produire de la violence : interpréter le viol
- Quand l’intime devient politique : résister à l’hétéronormativité
J’ai choisi de sélectionner quelques passages qui m’ont paru particulièrement intéressants dès qu’on réfléchit aux conditions d’une éducation sexuelle adaptée à notre époque et qu’on aborde les problèmes de violences sexuelles.
Elle donne d’abord une définition philosophique du consentement : « Un acte par lequel quelqu’un donne à une décision dont un autre a eu l’initiative l’adhésion personnelle nécessaire pour passer à l’exécution ». On peut ainsi situer le consentement par rapport à la demande ou à la proposition : celui ou celle qui donne son consentement ne fait aucune demande. Il ou elle n’a pas l’initiative.
Autre opposition : une relation sexuelle consentie d’une qui ne l’est pas. On distingue ce qui relève de la sexualité de ce qui relève du viol.
Quelle est la légitimité à disposer du corps d’autrui ? Qu’entend-on par viol ?
Le viol, jusqu’en 1980 où la loi change, désigne un coït illicite avec une femme dont on sait qu’elle n’est pas consentante. Ensuite on admet que toute personne peut être violée et pas seulement des femmes. Un élément le caractérise : la pénétration. L’acte de viol est cadré légalement mais pas la notion de consentement sexuel. On parle seulement de non-consentement (contrainte)
L’auteure insiste sur les conditions du consentement qui permettent d’écarter le soupçon de viol :
- Le contexte avec la place de la liberté de chacun qui diffère selon les époques. On constate ainsi une remise à niveau des questions concernant le consentement à partir de la fin du 20ème siècle. Auparavant le corps des femmes était la propriété des hommes de la famille.
- Le consentement peut être libre ou forcé (le oui est entre le choix et la contrainte).
- Il doit être éclairé (dans le domaine médical et juridique, l’initiatrice du contrat doit dévoiler les composantes de l’acte).
- Il doit être énoncé, exprimé d’où l’absence de doute.
En quoi notre pratique routinière des relations sexuelles supposées libres et éclairées est-elle troublée par les rapports de pouvoir inhérentes à un apprentissage genré du consentement ?
A l’heure où l’on prône l’égalité pour toutes pourquoi cette question du consentement est-elle si compliquée à mettre en œuvre ?
Le but de son enquête : éclaircir ce qui se trouve entre le sexe consenti et le désir, celui qui est consenti mais qui est non désiré (zone grise) et celui qui ne l’est pas (le viol).
Comment chez les individues se fait l’apprentissage des limites et des envies et le respect ou la transgression des limites dans un cadre de relations non viciées.
Les relations sexuelles les plus quotidiennes sont des lieux où s’exercent les rapports de pouvoir, d’où la nécessité de prendre en compte le contexte de la relation car nous exerçons ou subissons toutes des rapports de pouvoir dans une situation donnée en fonction des membres présentes en interaction qui influencent nos actions
On peut être critique face aux discours qui considèrent que
- Le consentement est la traduction directe d’une envie et/ou d’un désir sexuel ;
- Que chacun est en capacité libre et éclairée de dire oui ou non et de le verbaliser/ le montrer explicitement
- Que les viols sont les seules relations sexuelles forcées
- Et que toutes les autres sont- par opposition – les seules dénuées de rapports de pouvoir
La grille de lecture du genre rend compte du fait que le viol est favorisé par les rapports sociaux de sexe asymétriques. Il bénéficie d’un ancrage culturel par lequel il se perpétue que les féminismes militantistes appellent « culture du viol », les violeurs étant des hommes proches (famille, amis, voisinage).
Sexe et obligation :
Si les hommes hétérosexuels considèrent que leurs pratiques sont guidées quasi exclusivement par leurs envies, les femmes sont quant à elles plus conscientes de l’obligation que peut représenter le rapport sexuel dans leurs relations affectives et choisissent de s’y conformer ou non. Cela n’indique pas que les hommes sont entièrement libres mais les techniques de rationalisation divergent selon les positions sociales des individues au sein de la matrice hétérosexuelle.
Elles pouvaient dire non mais elles ont dit oui aux préliminaires, ce qui a laissé entrevoir qu’elles désiraient cette relation. Ce type d’argument persiste jusque dans les procès pour agressions sexuelles et viols. C’est la zone grise par conformité.
Le livre contient des extraits d’entretiens qui illustrent les différents points de l’enquête.