Les nouveaux accès au savoir sont-ils source d’égalité ou non entre filles et garçons ?
Telle est la question qu’on peut se poser en lisant le livre de Michel Serres « Petite Poucette ». Il pense que oui et va même jusqu’à dire qu’ils sont une source de supériorité des filles sur les garçons pour des raisons d’investissement personnel des filles dans leurs études.
En effet, les nouveaux savoirs sont désormais accessibles à tous ceux qui savent utiliser un ordinateur ou un téléphone portable, donc autant aux filles qu’aux garçons et même davantage tant les filles se sont montrées durant ces dernières décennies « plus travailleuses et sérieuses à l’école, à l’hôpital et dans les entreprises que les mâles dominants, arrogants et faiblards » (c’est un homme qui l’écrit). Tant que cet investissement dans le savoir durera, elles y gagneront .
Sa théorie sur l’accès au savoir est la suivante : Les contenus du savoir se transmettaient du temps des aèdes et des druides par la parole grâce à sa mémorisation, puis par l’écrit, d’abord rare avec les manuscrits, puis largement diffusé par l’imprimerie. Ces contenus étaient jusqu’à présent oralisés par les professeurs à l’intention des élèves et des étudiants et choisis par eux sans se soucier de la demande. Aujourd’hui, l’internet met à notre disposition des connaissances déjà triées qu’on n’a plus besoin de mémoriser puisqu’elles sont à disposition avec un clic. C’est un changement de relation au savoir et à ses sources.
Avant, c’était la société qui décidait de ce qui était à offrir aux apprenants. On ne leur demandait pas ce qu’ils souhaitaient apprendre. Maintenant ils peuvent le rechercher tout seuls. La conséquence à en tirer, c’est qu’il faudrait changer de pédagogie et s’intéresser à la demande des étudiants pour y répondre.
L’héroïne de Michel Serres se nomme Petite Poucette à la fois à cause de l’adresse avec laquelle elle manipule un téléphone portable et maîtrise « les pouces boutons, jeux ou moteurs de recherche » et aussi par allusion au conte du Petit Poucet, son frère. Le héros du conte est le cadet d’une famille nombreuse dans la misère. Les parents, incapables de nourrir leurs enfants tentent par deux fois de les perdre dans la forêt. Petit Poucet se sert de son intelligence pour retrouver le chemin, sauver ses frères et retrouver sa famille tout en la mettant à l’abri de la misère. Le thème des enfants devant affronter seuls les dangers de l’existence est fréquent dans les contes. Il implique la relative disqualification des parents pour toutes sortes de raisons. Les parents de Petit Poucet le sont car ils ne peuvent plus nourrir leurs enfants. D’une certaine façon, on pourrait dire qu’aujourd’hui beaucoup de parents sont disqualifiés d’une autre manière, faute de maîtriser les outils informatiques.
En conclusion, nous pouvons imaginer que la démocratisation du savoir pourrait passer par le moyen de l’internet, sorte de grande malle aux trésors renfermant toutes sortes de connaissances, à destination de tous les Petites Poucettes et Petits Poucets qui manifesteraient l’envie d’en explorer les merveilles accessibles.
Oui, bien sûr, internet se joue des barrières du lieu et de l’argent pour beaucoup de ses contenus. Seuls comptent la volonté d’apprendre, le courage et la ténacité. Les tutoriels par exemple fournissent une aide très appréciée. Cependant, je m’interroge sur le statut du livre par rapport à internet. Un livre, à mon sens, fournit une vision plus complète d’un sujet. Ne serait- ce que parce qu’écrire pour le web implique de simplifier le contenu, de le diviser en petites unités. Mais aussi parce que le livre est un tout et qu’en lisant un chapitre on voit où il se situe par rapport à tous les autres, même si on ne les lit pas obligatoirement. Pour moi, internet se rapprocherait davantage d’un article. Il en est d’excellents bien sûr. Quant à la possibilité de vidéos, elle est précieuse mais pour bien en profiter il faut à mon sens une écoute active, peut – être même une prise de notes si on veut assimiler le savoir qui y est diffusé. Je me demande cependant si la discrimination majeure ne se situera pas dans l’avenir dans le rapport aisé ou malaisé au livre, mais ce n’est qu’une question, pas une affirmation.
Je suis d’accord. L’accès au savoir par internet est bien un accès à l’information qui y est largement disponible et utilisable. Le rôle du professeur change,mais il reste indispensable pour acquérir les compétences de base, les procédures et organiser la réflexion et les échanges. Les méthodes d’enseignement en sont forcément bouleversées.
Il n’empêche que la source d’information du web ouvre le champ à des activités professionnelles émancipatrices nouvelles pour le commun des élèves et des étudiants.