C’est une autre sorte de mariage, un mariage d’intérêt, comme c’est le cas le plus fréquent à l’époque. L’homme surnommé la Barbe bleue à cause de la couleur de sa barbe, n’en séduit pas moins une jeune fille par sa fortune, les fêtes qu’il donne et l’amusement qu’il promet. Il a demandé à sa mère la main de l’une de ses deux filles. Sa sœur n’en a pas voulu car Barbe bleue fait peur, mais la plus jeune s’est convaincue qu’il pouvait être un mari acceptable. Or Barbe bleue a un secret.
C’est un secret dangereux : il a assassiné ses épouses précédentes.
Comment expliquer alors l’histoire de la clé ? Il met sa jeune femme à l’épreuve. Sera-t-elle loyale et obéissante ou essaiera-t-elle de fouiller dans sa vie ? Est-il en sécurité avec elle ? Un assassin peut-il l’être ? Comme tous les hommes puissants il commence par chercher à séduire et ensuite, il prend son plaisir à faire peur et à punir sa victime. C’est l’histoire d’un piège tendu et d’une faute commune, qui est prise comme prétexte pour frapper et tuer.
La jeune femme brûle de curiosité car son mari qui s’apprête à faire un voyage pour ses affaires lui confie ses clés, avec l’autorisation de faire ce qu’elle veut de toutes ses richesses et d’ouvrir toutes les chambres SAUF une. Il fait donc en sorte de la tenter. Elle n’a aucune chance. Dès son départ elle court ouvrir la pièce interdite. Elle saisit tout de suite l’étendue du désastre : face à elle gisent les cadavres des épouses précédentes.
Comprenant qu’il n’est plus question que d’essayer de survivre, elle s’efforce de faire disparaître la tache de sang sur la clé, mais elle a beau frotter, le sang réapparaît. Quand son époux revient, très vite, pour la surprendre, elle essaie de feindre qu’elle a égaré la clé. Quand il manifeste son intention de l’égorger, elle le supplie de la laisser faire une dernière prière. Elle fait tout ce qu’elle peut pour ne pas mourir. Elle se bat jusqu’au bout.
Elle sera sauvée par l’arrivée de ses frères qui tueront Barbe bleue. Ils seront récompensés car la jeune femme héritera de son mari et épousera elle-même un honnête homme. Il faut bien que le conte finisse bien.
Que penser de cette horrible histoire ? La morale à la fin prétend qu’elle n’est plus d’actualité. VRAIMENT ?
Un homme violent épousé pour de mauvaises raisons et qui s’autorise à considérer sa femme comme une vie qu’il peut prendre, comme un objet qu’il peut détruire, ça ne vous rappelle rien ?
Selon Bruno Bettelheim, le conte represente de maniere deguisee l’infidelite de l’epouse de Barbe-Bleue et le crime commis par un mari jaloux. Cet auteur rappelle que dans Perrault ne fait nullement l’apologie du comportement meurtrier de Barbe-Bleue en reponse a sa femme. La mort de celui-ci peut etre percue comme une condamnation de la demesure avec laquelle il s’emporte