Le harcèlement sexuel, une affaire de pouvoir et d’abus de pouvoir

Claude Steiner, analyste transactionnel américain, dans son livre « L’autre face du pouvoir »[1], a décrit de manière très complète les rapports de force et de contrôle entre les personnes et proposé des stratégies pour les limiter et en sortir. Il s’intéresse en effet à l’aspect psychologique et sociétal de la domination sur l’autre et propose des solutions de résistance face à ce qu’il nomme « les jeux de pouvoir ». Ces jeux de pouvoir sont conscients, délibérés, appris dès l’enfance. Il s’agit de forcer l’autre, d’obtenir de lui quelque chose qu’il ne  donnerait pas même si on le demandait. Ceux qui détiennent un pouvoir font tout pour le garder, c’est pourquoi malgré les sérieux progrès obtenus par elles ces cinquante dernières années, « les femmes du monde entier  continuent à mener une vie sous le signe de la persécution, de la pauvreté et de la dégradation, situation inchangée au cours de siècles ». D’où l’importance de regarder de près comment ça fonctionne.

 Sa grille d’identification peut être utile pour les victimes. Il distingue en effet plusieurs catégories dans l’exercice du pouvoir sur l’autre :

  • le pouvoir physique qui s’exerce par le corps
  • et le pouvoir psychologique qui passe par les mots.

Dans chacune de ces deux catégories l’exercice du pouvoir peut être grossier, donc visible ou subtil et plus difficile à identifier et à décrire.

 Cette grille s ‘applique à la sexualité, la description du mécanisme de domination étant particulièrement éclairante. Elle peut aider les victimes à décrire ce qu’elles subissent.

Dans la catégorie des jeux de pouvoir physiques où l’on utilise son corps, quand ils sont grossiers et violents, ce sont les coups, la menace de mort avec une arme, l’agression de nature sexuelle comme le viol. Ce sont les seuls qui sont considérés comme relevant du tribunal. Face à ce type de situation, il est légitime de vouloir d’abord sauver sa vie.

Quand ils sont subtils le corps est utilisé pour faire pression et intimider : barrer le passage, toucher l’autre comme si de rien n’était, envahir son espace ; le positionnement dans l’espace (pensons au rôle de l’estrade dans les classes, à la disposition des meubles dans un bureau destinée à faire en sorte que l’autre se sente fragilisé) mais aussi le luxe des vêtements, prolongement du corps, renforcent les effets de pouvoir comme source potentielle de domination.

Le volant psychologique grossier c’est la menace verbale orale ou écrite, les injures, le chantage (vous perdrez votre boulot  si…!), les propositions sexuelles grossières, les jeux de mots provocants ou dévalorisants, les mensonge. Toujours difficile à prouver si on n’a pas gardé de trace physique des messages.

Les pressions psychologiques subtiles sont plus difficiles à caractériser : plaisanteries, allusions, jeux de mots, histoires à double sens, irruption du sexuel dans le domaine professionnel, mensonges par omission, conditionnement publicitaire.

Steiner pense qu’une majorité d’entre nous est entrainée à obéir depuis l’enfance et à se soumettre à ceux qui ont le pouvoir. C’est en rapport avec la structure familiale de type patriarcal qui donne raison aux mâles dans la vie quotidienne du petit enfant. Pour réussir dans une société de compétition, on exploite la faiblesse de l’autre. Et les prédateurs devinent à qui s’attaquer et qui éviter. Son livre nous enseigne comment, à titre personnel,  se libérer du contrôle subi mais aussi de la tentation de contrôler l’autre.

Pour la personne qui veut éviter la position de Victime, il s’agit d’identifier le jeu de pouvoir, de faire dévier la manœuvre et de choisir une stratégie créative en guise de réponse. Le travail passe par le renforcement de la conscience de soi, de ses droits et de sa valeur pour ne pas partir battue d’avance. Il faut refuser de continuer à être une victime et se dire dans sa tête : Je ne me laisserai pas faire !

Regardons en effet ce qui se passe quand un homme fait pression sur une femme pour obtenir quelque chose qu’elle refuse : soit elle  cède parce qu’elle est vulnérable (elle ne voit pas où est le problème, se sent obligée d’obéir sans faire d’histoires, ou encore elle  refuse clairement et fait un peu de bruit. Dans ce cas, il augmente la pression. C’est le plus fort qui gagne. La protestation est limitée à cause de la pression externe et interne qui pèse sur les femmes en matière de sexualité : on ne fait pas de bruit, on est sage, on est douce et raisonnable ; celle qui attitre l’attention est coupable.

Il y a des femmes réputées pour ne pas se laisser faire  et qui répondent à l’attaque par l’attaque. Pour réagir en attaquant  il faut dépasser la crainte du scandale, des hurlements, de la violence verbale. Crier, s’indigner pour obtenir l’attention et semer la peur dans le camp adverse n’est pas à la portée de la plupart des femmes à cause de leur éducation. Si elles veulent se lancer là-dedans il leur faudra avoir de bonnes raisons (se faire respecter en est une) et s’entraîner. Il faut donc au départ sortir de la position de victime alors même qu’on est objectivement victime des passions et des goûts du prédateur et prendre le risque insupportable de celle de persécutrice mal élevée.

Un bon exemple de situation exceptionnelle se trouve dans le film jubilatoire « La journée de la jupe » où Isabelle Adjani, prof de banlieue jusqu’ici acharnée à procurer à ses élèves éducation et connaissances, armée d’un revolver, disait enfin à sa classe réunie dans la salle de sport, où elle s’était enfermée avec eux, tout ce qu’elle avait sur le cœur. Tout le monde n’a pas un revolver pour renverser le rapport de force, mais certaines femmes pratiquent des sports de combat pour se défendre.

Contrattaquer verbalement demande de l’assurance. Marlène Schiappa en est un bon exemple. Interrompue à la tribune  par les cris de députés hostiles quand elle défendait les droits des femmes elle leur a sorti « Gardez vos nerfs ! ». La réplique les a fait taire.

En dehors de se soumettre ou d’escalader, y-a-il d’autres  choix ? Steiner croit que oui, mais cela concerne les jeux de pouvoir classiques.  Il propose la coopération et une stratégie de lâcher prise subtile qui consiste à sortir des rapports de force. La coopération suppose de se situer à égalité pour négocier et que chacun cherche son intérêt et accepte que l’autre suive aussi son intérêt.  Sortir de la relation de pouvoir entre homme et femme veut dire qu’on est de même force et qu’on va créer d’autres types de relations. C’est là qu’intervient la créativité.

Le travail effectué depuis quelques années par des associations d’aide aux femmes va dans ce sens. Il a l’avantage d’être collectif et de chercher à les mobiliser.

Une première piste  est de d’enseigner la loi et de la rappeler : afficher les peines encourues, distribuer des documents les rappelant, donner les définitions des abus sexuels, rappeler les règles de déontologie, informer sur les aides aux victimes. Sur le lieu de travail, la place est au travail. Ailleurs ce qu’il fait regarde chacun.

Autre choix : s’appuyer sur la solidarité militante des autres femmes, des collègues  et des amis au travers des réseaux, des lieux d’écoute et de partage. Ce milieu nourricier et combattif protège et soutient.

L’information des filles et des garçons, la dénonciation des abus sont essentiels : Les travaux d’éducation des associations sont intéressants : je pense à celle qui a installé à Bruxelles des panneaux d’affichage où des femmes venaient écrire les injures dont elles étaient abreuvées dans la rue. L’étendue des agressions apparaît alors.  Il doit aussi être possible de conduire des groupes de parole où les unes et les autres confieront comment elles ont réussi à déjouer un harcèlement, comment elles ont maitrisé leur peur. Un peu de créativité fait du bien.

Quand des garçons interrogés répondent que les filles cherchent à obtenir leur attention et leurs remarques en s’habillant de manière provocante, elles répondent qu’elles s’habillent pour elles et pas pour leur plaire, ce qui n’empêche pas certaines erreurs de jugement car vouloir à tout prix casser les codes comporte des risques. S’ils croient sincèrement qu’elles envoient des signaux pour être sexuellement sollicitées et bousculées, c’est qu’ils sont prisonniers de leurs représentations des femmes, mais elles aussi ont à réfléchir sur l’adaptation raisonnable en milieu hostile.  Se parler et s’écouter dans un cadre où l’on peut s’entendre les uns les autres serait une bonne chose.

Je crois beaucoup aux groupes de parole où l’on prend de l’assurance, où l’on échange idées et recettes, tout en se soutenant. Les jeux de rôle permettent de se mettre concrètement à la place des autres, d’élargir sa vision du monde et  de créer du nouveau.

[1] Claude Steiner : L’autre face du pouvoir, version française : Desclée de Brouwer 1995

AT et linguistique dans le modèle des transactions.

Je me sers constamment des transactions dans ma pratique de l’Analyse transactionnelle, en partie à cause de ma formation de professeur de français et de mon intérêt pour la linguistique. Je crois au langage et au travail sur le langage dans la recherche d’une communication plus ouverte, plus consciente et d’une relation un peu plus « égale ». Je déplore aussi parfois que ce modèle des transactions soit sous-utilisé, tout en sachant que le champ social au sens large s’y prête mieux que le champ clinique. Si  Berne  n’a jamais fait savoir qu’il abandonnait la conception cybernétique des transactions pour en adopter une autre, c’est peut être  parce qu’il en avait besoin dans le cadre de son projet de psychiatrie sociale. Tel qu’il fonctionne, le modèle original des transactions rend compte des particularités de la communication dont la prise en compte importe quand on travaille dans cette perspective de psychiatrie sociale.

Pour analyser le concept de communication, il existe trois orientations théoriques essentielles [1]:

1- Le modèle cybernétique et la théorie de l’information :

L’information englobe langues, codes et signes, les notions d’émetteur, de récepteur, de code et de canal, de message et de contexte. C’est une théorie qui présente une conception de la communication où sont formalisés les processus de transmission et où l’accent est mis sur les qualités logiques du message plus que sur la signification.

Les transactions fonctionnent selon le schéma de la communication de Roman Jacobson[2]. Il comprend les six éléments : émetteur, récepteur, message, canal, code et contexte. Je l’ai complété en prenant en compte la réponse au stimulus et l’inversion de l’émetteur et du récepteur lors de la réponse : le récepteur du premier message devient émetteur du second, les deux étant liés.

En effet, j’aime me référer à l’article d’Emile Benveniste : Structure des relations de personne dans le verbe[3]. Il développe l’opposition Je/Tu et leurs liens. Quand l’émetteur du message dit « Je », il se désigne en disant « Je » et il dit quelque chose sur le compte de « Je », comme dans l’exemple : « Je suis surpris par ce que tu affirmes là ». En disant « Je », je ne peux pas ne pas parler de moi.

En même temps quand l’émetteur dit « Tu » à son interlocuteur, récepteur du message, il le désigne par ce « Tu » et il énonce quelque chose à son propos. « Tu » ne peut pas être pensé hors d’une situation posée à partir de « Je ».

« Je » et « tu » sont uniques (le « je » qui énonce, le « tu » auquel il s’adresse) et inversifs. Quand le récepteur du message répond et se transforme en émetteur, celui qui, dans le stimulus, était  désigné par « Tu » dit  « Je » à son propos dans la réponse et dit « Tu » en s’adressant à l’émetteur du premier stimulus. La maîtrise de « je/tu » est une étape essentielle dans l’acquisition du langage par un enfant.

Le modèle est déjà systémique. Si l’on ajoute au message verbal, le message non verbal, l’effet de système est accru. Pour devenir transactionnaliste, il ne reste plus à ce schéma qu’à doter l’émetteur et le récepteur de trois états du moi chacun.

2 – Le modèle systémique et la logique de la communication avec mise en évidence des processus interactifs de tout comportement.

Il fait référence à Bateson et à l’école de Palo-Alto. J’ai montré dans la première partie de mon livre[4] en quoi l’AT et la systémique se rencontraient et différaient. Les cinq propriétés de la communication systémique sont compatibles avec l’A.T., mais le type d’intervention est différent, les systémiciens ayant adopté le modèle d’intervention de Milton Erickson[5].

3 – Les modèles du langage dans la communication et la recherche de l’influence par le choix du code, en fonction d’objectifs qui sont propres au locuteur.

Si le locuteur veut exprimer ses émotions, il reste centré sur lui-même et utilise les éléments expressifs du code ; s’il veut obtenir quelque chose de son interlocuteur, il utilise les éléments du code de type « conatif » (comme l’impératif) qui permettent de faire pression sur l’autre. C’est ici que peut apparaître l’idée qu’on peut « viser » un état du moi. Plus généralement, le travail sur l’expression est essentiel dans la recherche de l’efficacité. L’art oratoire n’est-il pas l’art de plaire et de toucher ?

On dit parfois que Berne n’accordait pas beaucoup d’importance aux mots. Il affirme le contraire dans Principes de traitement psychothérapeutique de groupe[6] : « Il faudra des années d’études (au thérapeute) pour maîtriser les subtilités de la communication verbale ».

C’est ce travail sur le langage (choix des mots et des tournures) que je fais systématiquement, utilisant pleinement toutes les possibilités offertes par les transactions. J’insiste aussi pour rappeler que le récepteur garde tout son pouvoir et peut toujours croiser la transaction, réorientant le dialogue en toute liberté[7], que la modification de l’état interne de l’émetteur et du récepteur est primordiale. Mais je pense aussi que, si la qualité de la relation est essentielle dans la vie sociale et professionnelle, sans un minimum de savoir dire, elle trouve vite sa limite.

Ma position théorique implique que j’ai fait le choix d’un modèle des états du moi où le Parent et l’Enfant contiennent à la fois des éléments scénariques et des possibilités de développement, à l’inverse de la conception de l’Adulte intégré. Je suis d’accord avec Ian Stewart[8] quand il affirme la nécessité de choisir clairement quel est son modèle de « personne totalement guérie » et de l’annoncer.                                             Paris, mars 2008.

[1] Gustave-Nicolas Fisher : Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale, Dunod, pp 127-137

[2] Professeur de linguistique au MIT. Son article sur les six fonctions du langage est paru en 1960.

[3] Emile Benveniste : Problèmes de linguistique générale Tome 1 page 225, Gallimard 1966 (article de 1946 paru dans le bulletin de la société de Linguistique)

[4] Agnès Le Guernic : Etats du moi, transactions et communication, InterEditions 2004 ;

[5] P. Watzlawick, J Helmick Beavin, Don D. Jackson : Une logique de la communication. Le Seuil.

[6] E. Berne : Principes de traitement psychothérapeutique de groupe , Editions d’AT, page 88

[7] Agnès Le Guernic : Les transactions dans la relation d’influence, AAT N° 107, juillet 2003

[8] Ian Stewart : Egostates and the theory of theory : the strange case of the Little Professor. TAJ Vol 31, N°2 Avril 2001.

Nos besoins ne comptent pas pour rien!

Nous avons tous intérêt à connaître nos besoins fondamentaux : besoins de stimulations, de structure et de signes de reconnaissance ou de position, selon l’analyse transactionnelle. Les besoins de stimulations changent selon notre âge, notre état de santé, la période de l’année. Ainsi un enfant rêveur a-t-il besoin de moments de tranquillité, de silence, de retrait. Un autre a besoin de se dépenser davantage ; il travaille sur fond musical et le silence lui est insupportable. En vieillissant, on peut préférer le calme et la tranquillité, mais pas toujours. Connaître ses sources de stimulations préférées et être attentif à celles de son entourage  est un gage de vie harmonieuse.

L’analyse transactionnelle classe les signes de reconnaissance entre signes positifs ou négatifs, chacun  parlant de la personne ou du comportement. Ils nous sont apportés par les contacts de la vie sociale : famille, travail et loisirs. Les signes de reconnaissance les plus recherchés sont  les positifs. On aime se sentir vu, apprécié pour ce qu’on est ou ce qu’on fait. Mais il est bon pourtant d’être averti par les autres de ce qui ne va pas dans notre manière d’être ou de nous comporter.

Posez-vous la question  « Si j’était une petite souris écoutant mes amis parlant de moi, qu’aimerais-je entendre dire ? Qu’est ce que je détesterais entendre dire de moi ? Et si c’était des gens que je n’aime pas beaucoup, qu’est-ce que j’aimerais entendre dire de moi et qu’est ce que je détesterais entendre dire ? »

Dans le cas où vous êtes un homme, supposons que vos amis disent :

– Il est intelligent, mais un peu arrogant parfois.

– C’est un bosseur qui connaît ses dossiers.

– Il a du charme. Il est très séduisant !

– Ses plaisanteries sont parfois douteuses.

Si vous êtes une femme mettez la phrase au féminin. Est-ce pareil ?

Supposons que des personnes que vous détestez peut-être disent la même chose, quelle serait votre réaction ?

Nous attendons de nos amis qu’ils nous trouvent pleins de qualités et qu’ils excusent nos travers, qu’ils nous disent ce qu’ils aiment en nous et taisent nos défauts, car il n’est pas agréable de s’entendre dire qu’on est arrogant ou qu’on fait des plaisanteries douteuses. Pourtant cela pourrait nous rendre service de savoir quel effet nous faisons aux autres.

Comment obtenir des signes de reconnaissance ? On augmente ses chances en en donnant. Ceux qui en donnent volontiers et qui acceptent ceux qu’on leur donne sont considérés comme ouverts, aimables et conviviaux. Leurs relations sont plus faciles. On peut aussi en demander, mais si on n’en donne guère, l’issue est incertaine. Dans les familles la gestion des signes de reconnaissance est généralement répétitive : ce sont souvent les mêmes qui donnent et les mêmes qui reçoivent. C’est intéressant d’identifier comment le système fonctionne, quel type de signe de reconnaissance on donne et quel type on reçoit. Si les différences font problème, en parler.

Que faire ? Que dire ? quand on a du mal à donner des signes de reconnaissance ?

Il ne s’agit pas seulement de faire des compliments ou des critiques, mais de marquer son attention :

– Demander à l’autre son avis, son opinion ou un conseil.

– Prendre le temps de s‘intéresser à ce qu’il fait, à ce qu’il aime.

– Faire en sorte qu’il sente qu’il existe pour vous et qu’il est important.

Mais il le sait, me direz-vous. Peut-être ou peut-être pas, mais c’est de toute façon mieux quand c’est dit.

Le besoin de structure peut concerner l’espace, la relation ou le temps.  Certains aiment un espace dépouillé, presque vide, d’autres l’encombrent, l’emplissent. A l’un les vastes espaces, à l’autre les lieux confinés, populeux, vivants, les villes pleines de bruit. Certains gardent avec autrui une distance minimum, d’autres se tiennent tout près de leur interlocuteur.

Dans la relation, nous avons besoin de savoir qui fait quoi, quel est le rôle de chacun, quelle est sa responsabilité. C’est en rapport avec le besoin de position.

Les six manières d’occuper le temps sont toutes indispensables, mais leur répartition change aussi avec l’âge, l’époque et les moments forts de la vie. Berne les a classées en fonction des signes de reconnaissance qu’ils nous apportent.

  • Le retrait ne nous en apporte guère, sauf ceux que nous nous donnons ;
  • les rituels sont le minimum vital de contact avec autrui en société : certaines personnes isolées n’ont plus personne à qui parler ; elles doivent se contenter d’un mot gentil du commerçant ou du salut du gardien d’immeuble ;
  • le passe-temps occupe davantage, mais évite tout ce qui est important et impliquant : la pluie et le beau tems, la vie qui renchérit, les professionnels qui font leur travail de plus en plus mal, les soucis apportés par les enfants, tous ces bavardages parentaux sont autant de passe-temps.
  • L’activité est une très grande source de signes de reconnaissance positifs et négatifs, portant sur la personne ou le comportement ;
  • Les jeux psychologiques encore plus ;
  • L’intimité est la manière d’occuper son temps qui apporte les signes de reconnaissance les plus intenses. Mais les déceptions du passé nous en limitent l’accès, lorsqu’on dit par exemple : Je ne veux plus aimer car je ne veux plus souffrir

Ces six manières ont chacune leur place dans la vie des groupes. On n’entre pas dans l’activité sans franchir d’abord les étapes du retrait, du rituel et d’un peu de passe-temps. S’il se prolonge, c’est pour éviter l’activité. Les bavardages en classe ou dans les réunions correspondent au passe-temps. Le responsable du groupe veille à les réduire, mais il peut aussi les organiser : si les stagiaires travaillent en très petit groupe, leurs échanges ont des chances de comporter plus d’activité que de passe-temps. Les jeux psychologiques qui se manifestent par des disputes et des éclats servent aussi à éviter l’activité : l’énergie est mobilisée par les processus relationnels dommageables à la place de l’activité. Les jeux servent aussi à éviter l’intimité. Elle est plus rare dans les lieux de  travail, mais les groupes qui marchent bien savent ménager des moments d’émotion qui relèvent de l’intimité et font le charme de la vie de groupe.

Chaque manière a son utilité : le retrait permet la réflexion, le repos : on reste centré sur ses pensées, ses sentiments, son ressenti corporel. Les rituels nous mettent en contact de manière sommaire avec notre entourage social. Le passse-temps , occasion de parler de tout et de rien accorde plus de temps à la relation que le rituel qui est souvent non-verbal. Lors des passe-temps on tâte le terrain : jusqu’où peut-on aller plus loin dans la relation ? L’activité est importante : nous sommes en relation avec nos collègues, nos partenaires de vie ; des tâches nous relient ; que faire alors à la retraite ? Les jeux psychologiques sont autant de moyens de maintenir des relations intenses, même sitout cela se termine mal. Au moins nous nous sentons vivants ! Quant à l’intimité c’est une manière de vivre la relation sur un mode tranquille ou intense en sécurité.

Que se passe-t-il en cas de « burn out » ?

Sous l’effet du stress, le temps vécu se désorganise. Les moments de retrait qui favorisent d’habitude le ressourcement sont envahis par les préoccupations qui sont en rapport avec l’activité et les jeux psychologiques. Les tensions qui vont avec ne trouvent plus de moment pour être apaisées. La personne pense à son travail ou aux relations de travail éprouvantes et ne parvient plus à dormir et à stopper le bouillonnement de son esprit. Les jeux s’auto-alimentent. L’activité cérébrale tourne à vide, ce qui conduit à l’épuisement. Le corps est oublié ; les bonnes sensations corporelles ne sont plus accessibles. Les remèdes de la méditation, de la contemplation de la beauté deviennent hors de portée car l’esprit est envahi par les obsessions.

Que faire ? Se recentrer sur son corps : respiration, massages, méditation ; retrouver la capacité de faire le vide dans son esprit. Se reconditionner en se formulant des messages positifs comme de se féliciter d’avoir réussi telle chose dans la journée, d’avoir apprécié la beauté de telle fleur, de tel paysage, de tel geste. Se réapproprier les fonctions de ressourcement du retrait. Relancer les rituels et les passe-temps en les regardant comme tels : des contacts stéréotypés avec les autres liés à nos besoins d’êtres humains socialisés. Penser à ce que vous êtes en train de faire. Regarder les gens, les voir !

Enfin, si vous vous occupez bien de satisfaire vos besoins, pensez aussi à ceux des autres !

De l’inconvénient de juger les autres et de leur faire la leçon

Pourquoi détestons-nous autant nous sentir jugés, critiqués ? Pourquoi réagissons-nous vivement quand on nous fait la leçon ? Parce que, bien qu’étant des adultes, nous nous sentons traités comme si nous étions des enfants face à des parents autoritaires qui nous jugent et nous dévalorisent. Nous sommes coincés en position basse, en position de dominés et, comme le disent les analystes transactionnels, nous réagissons alors automatiquement depuis notre état du moi Enfant, face à un interlocuteur se trouvant dans l’état du moi Parent[1].

L’état du moi Enfant est la partie la plus ancienne de notre personne. Elle contient les traces partiellement oubliées de l’enfant que nous avons été, avec ses sentiments et ses pensées se manifestant par des comportements caractéristiques de cette période : tantôt c’est la soumission, tantôt c’est la rébellion face aux figures parentales ; tantôt aussi ce sont les questions témoignant de la réflexion, le jeu libre avec les camarades comme c’est le cas dans la cour de récréation. Lire plus loin

Les transactions verrouillées

Elles sont utiles pour décrypter et résoudre les problèmes de communication dans la relation professionnelle.

Nous avons tous appris, dans notre enfance, à fonctionner avec les autres et nous reproduisons généralement sans en avoir jamais conscience le type d’interactions que nous avons mis en place depuis l’enfance. Nous n’avons donc pas éprouvé le besoin d’en chercher d’autres et nous ignorions même que c’était possible. Question de circonstances et d’environnement.

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